La toute nouvelle gare de métro Saint-Denis Pleyel est la plus grande d’Europe en superficie et doit devenir un point clé du Grand Paris Express. Mais depuis la fin des Jeux de Paris 2024, très peu de voyageurs la traversent quotidiennement.
Calme plat. Désert. Pas un chat. On entend les mouches voler. Toutes les expressions du genre fonctionnent pour décrire la gare de Saint-Denis Pleyel. En pleine après-midi, un samedi de décembre, la plus vaste gare de métro d’Europe est sûrement une des stations les plus vides du réseau francilien. Terminus de la ligne 14, située dans un quartier de bureau peu fréquenté, difficile de comprendre pourquoi elle est si grande.
Une jeune femme habillée d’une veste griffée « Ile-de-France Mobilités » sort de sa cabine et scrute les portiques, 25 mètres plus loin. Un homme grisonnant demande de l’aide à voix haute. Elle l’a entendu, malgré la distance, et va l’aider à valider son billet. Sans croiser personne sur son chemin. Elle s’appelle Anaïs et a 35 ans. «Je suis ambassadrice de la gare. C’est-à-dire que je la représente auprès du public et du privé. Mais la plupart du temps, j’aide les gens qui sont perdus ici», s’amuse-t-elle. Et pour cause, la gare est imposante.
Construite sur neuf niveaux, descendant jusqu’à 28 mètres de profondeur, connectée par 56 escalators, cette station de métro ne ressemble à aucune autre. Elle est propre, épurée, et même illuminée par un puits de lumière. Mais surtout : elle est vide. La construction de la gare est le fruit du travail de l’architecte japonais Kengo Kuma, qui l’a parée de bois, de vitres, de grandes ouvertures. Une grande passerelle, le «Franchissement Urbain Pleyel», surplombe 48 voies ferrées et relie Saint-Denis Pleyel à la gare RER du Stade de France. Sa seule construction a coûté 247 millions d’euros. Mais alors pourquoi tant d’investissement si la fréquentation ne suit pas ?
250.000 voyageurs quotidiens en 2030
Dans le sens des arrivées, un couple s’extasie devant la taille de la gare. «On vient de Juvisy-sur-Orge une fois par mois parce que mes parents habitent Saint-Denis», raconte Sami. Pour ce trentenaire, si la gare est vide c’est parce qu’elle «est faite pour les grands événements. Personne ne vient ici à part pour les matchs», affirme-t-il, sûr de lui.
Située à 20 minutes à pied du Stade de France, cette gare a été inaugurée le 24 juin dernier, pour les JO de Paris. Sauf qu’en son sein, Saint-Denis Pleyel n’accueille qu’une seule ligne en activité : la 14. Elle sera traversée d’ici à la fin de 2026 par les lignes 16 et 17 ; en 2030 par la 15. Elles sont les trois lignes majeures du projet Grand Paris Express, destiné à connecter les banlieues plus éloignées à la capitale.
En termes de conception, Saint-Denis Pleyel peut accueillir autant de voyageurs que la station Châtelet – Les Halles (la plus grande gare souterraine du monde selon la RATP). Mais il faudra attendre la fin des travaux, prévus pour 2030, pour que 250.000 voyageurs quotidiens s’y rendent, selon la Société du Grand Paris. Pour l’instant, seules 10.000 personnes par jour la traversent.
Une gare pour les Dyonisiens ?
Sur le grand parvis devant la gare, deux femmes ironisent sur les mauvaises indications menant à Saint-Denis Pleyel : «Ça fait 15 minutes qu’on tourne dans le secteur pour trouver cette fichue station. Nous à Saint-Denis, notre métro, c’est la 13. Au moins, elle est bien indiquée», s’agace Eugénie. De par sa situation excentrée, Saint-Denis Pleyel ne semble pas destinée aux Dyonisiens.
Le lundi matin, la grande majorité des usagers marche dans le sens des arrivées. Il y a un petit peu plus de monde que le week-end, mais la taille de la gare reste démesurée. Dans le hall principal, une agente d’entretien nettoie des fauteuils qui sont pourtant déjà propres. «Il faut que rien ne dépasse ici, alors qu’il n’y a personne. On nettoie pour les gens des bureaux en fait. Mais bon, bientôt il y aura des commerces», raconte Justine, 53 ans, son spray désinfectant à la main. Effectivement, de grandes surfaces situées aux niveaux supérieurs de la gare sont en train d’être allouées à des investisseurs. L’objectif : ouvrir un centre commercial dans la station pour dynamiser le quartier et inciter les Dyonisiens à fréquenter les lieux. La date d’ouverture n’est pas encore connue.
Saint-Denis Pleyel est une gare qui a été très utile pendant les Jeux de Paris 2024, accueillant près de 60.000 voyageurs par jour sur la période, selon la ville de Saint-Denis. Mais depuis, c’est le calme plat. Un héritage des Jeux, évidemment. Un poil prématuré, assurément.
Thomas Ladonne