À 30 ans, Clément Julie travaille comme secrétaire au centre médico-scolaire de l’école Estienne-d’Orves, à Montreuil. En charge de plus de 60 établissements scolaires, il est l’unique interlocuteur des directeurs d’écoles de la ville. Portrait d’un fonctionnaire dont la profession est menacée.
Clément Julie, au centre médico-scolaire Estienne-d’Orves de Montreuil. © Constance Sade
Sur son bureau, des piles de dossiers médicaux jaunes et rose envahissent l’espace. Pour avoir plus de place, Clément Julie s’est installé dans le bureau du médecin scolaire, un poste vacant dans la ville de Montreuil. Et pourtant, lui n’est que secrétaire médico-scolaire. « En trois ans ici, je n’ai jamais vu de médecin. Depuis la rentrée, c’est encore plus compliqué, les dossiers médicaux des élèves ne sont plus du tout pris en charge, même par l’inspection académique », explique-t-il.
Seul à représenter la médecine scolaire à Montreuil. Il est l’unique interlocuteur des 60 directeurs d’écoles de la ville. En l’absence de médecin, sa mission consiste à vérifier la complétude des dossiers des élèves, qui ont réalisé des examens médicaux chez des médecins généralistes. C’est aux professeurs d’appliquer ou non les adaptations pédagogiques préconisées pour les élèves. « Je n’ai pas les compétences d’un médecin, donc ça limite les aménagements scolaires », précise-t-il. Une situation de plus en plus pesante pour celui qui a toujours voulu s’investir pour aider les autres.
« Au service des élèves les plus fragiles »
Son diplôme d’animateur socio-culturel en poche, Clément Julie réalise un service civique dans l’accueil de jour des personnes sans-abris toxicomanes. « Ça me tenait à cœur de travailler dans l’humain », confie-t-il. Il quitte ensuite le nord de la France pour faire ses premiers pas dans l’Éducation nationale. « J’ai envoyé des CV à droite et à gauche et je suis arrivé à Montreuil », s’amuse-t-il.
Après un poste de surveillant en lycée, il devient accompagnant d’élèves en situation de handicap. Sa famille, composée de fonctionnaires, le pousse à passer les concours de l’administration. « J’avais déjà l’idée de venir en santé scolaire et le poste de secrétaire médico-scolaire était celui qui avait le plus de sens. Je savais que je serai au service des élèves les plus fragiles », conclut-il avec conviction.
Le désir de se rendre utile après une scolarité perturbée. Au collège, l’adolescent fait face à « des formes de harcèlement », confie-t-il sans s’étendre sur le sujet. Aujourd’hui pourtant, il passe ses journées dans ce même milieu. « Je ne suis plus prisonnier, je suis gardien ! » Il profite même de sa présence dans l’école Estienne-d’Orves pour participer à la vie scolaire. « Pour le spectacle de la chorale de l’école, j’ai accompagné les élèves à la guitare sur scène, c’était chouette », raconte-t-il.
« C’est un métier assez solitaire »
Avec les postes de médecin scolaire et de secrétaire vacants, il s’adapte d’autant plus au rythme de l’école. « Mon travail est assez solitaire, alors je prends volontairement mes pauses café pendant la récréation et je déjeune en salle des maîtres. » Il précise également : « Et encore, on a la chance d’avoir encore quelques infirmières scolaires à Montreuil. »
Clément Julie a une crainte grandissante : celle de voir disparaître son métier. Pourtant, avec la charge de travail croissante, il arrive parfois qu’il ne puisse pas consacrer aux élèves autant de temps qu’il le souhaiterait. « C’est dommage », regrette-t-il. Le fonctionnaire note également un manque de reconnaissance au sein de l’Éducation nationale, qui se fait davantage sentir cette année. « Sur le terrain, mon travail est mieux reconnu qu’au niveau du rectorat, mais ça devient assez pénible. »
Constance Sade