C’est dans un quartier populaire de Clichy que l’association Co42 a élu domicile. Ses objectifs : enrichir l’offre culturelle de la ville et rendre plus accessible l’art contemporain, par des expositions, des ateliers pour enfants et un festival de street art.

Une dizaine de fauteuils rouges, un grand écran… et une légère odeur d’essence. Avant de devenir un centre artistique doté d’une salle de projection, le 42 boulevard Victor Hugo, à Clichy, abritait un garage qui a fermé ses portes en 2018. En 2021, ses locaux sont repris par l’association Co42. Après un an de travaux, les films ont remplacé les cuves d’essence et d’huile moteur au sous-sol. Ce samedi, une œuvre du vidéaste japonais Yuta Arima est projetée. « Ses films sont inspirés par le Butoh, une danse japonaise avec des gestes lents et introspectifs », commente Jade Tarrusson, la présidente de l’association Co42. Emmitouflée dans une doudoune argentée, elle vérifie que la projection fonctionne avant de regagner le rez-de-chaussée.
Redynamiser un quartier clichois
L’espace d’exposition est un grand hangar d’une blancheur éclatante, muni de poutres noires qui rappellent l’ancienne fonction du lieu. Sur les murs, les sculptures et aquarelles de la plasticienne française Julie Gauthron dialoguent avec des œuvres de Yuta Arima. Des silhouettes peintes, lumineuses ou filmées pour célébrer les corps en mouvement dans une exposition intitulée «in tension – ex tension».

« La scénographie a été réalisée par rentingART, où je travaille depuis 2012 », raconte Jade Tarrusson. Cette agence organise des expositions et autres événements autour de l’art contemporain pour les entreprises et les collectivités territoriales. Elle s’installe à Clichy en 2011, dans le bâtiment qui jouxte l’actuel Espace Co42 : un entrepôt où des œuvres emballées dans du papier bulle et du carton s’entassent jusqu’au plafond. C’est avec Eric Levy, le fondateur de rentingART, que Jade Tarrusson crée en 2021 l’association Co42. Son but : rendre l’art contemporain plus accessible.
Ateliers pour enfants, résidence d’artistes, expositions… Tout ce que propose l’association est gratuit. «Nous sommes financés par quelques privatisations du lieu, mais surtout par du mécénat privé et des subventions publiques», explique Jade Tarrusson. L’espace bénéficie du soutien de la ville de Clichy depuis sa création. Car il fait partie de l’Entrée de Ville, un quartier collé au périphérique et au XVIIe arrondissement de Paris que la mairie cherche à redynamiser pour contrer la paupérisation et les départs des commerçants. C’est dans ce projet que s’intègre l’Espace Co42.
Un lieu en décalage avec son quartier
En été 2021, le premier événement que l’association organise est un festival de street art gratuit : le C.A.P.S. Festival. Un projet soutenu par la mairie. Son but : orner de fresques plusieurs murs de Clichy, ainsi que le terrain de sport situé derrière l’Espace Co42. « C’était un endroit assez mal fréquenté, avec du deal le soir, se souvient Jade Tarrusson. Grâce au festival, cette situation s’est améliorée, car les jeunes du quartier sont venus voir travailler les artistes, avec un véritable engouement. »
Ce cercle vertueux se répète aux deux éditions suivantes du C.A.P.S. Festival. Mais en 2024, il quitte le stade pour le Pavillon Vendôme, un musée situé au cœur de Clichy. Depuis, deal et combats illégaux de boxe ont fait leur retour derrière l’Espace Co42, selon la présidente de l’association. Et des tags sont venus recouvrir les fresques. « Le centre de Clichy se boboïse, mais les bords du périphérique restent très populaires. Et le public de ce quartier est difficile à appréhender », regrette Jade Tarrusson. Un commerçant voisin de l’Espace Co42 confirme : « Je travaille ici depuis plus de 20 ans, et le quartier n’a pas du tout changé ».

Les dégradations des fresques du C.A.P.S. sautent aux yeux lorsqu’on ouvre la porte arrière de l’Espace Co42. Elle donne directement sur le stade, surplombé par le périphérique. Sous les vrombissements des moteurs, une étudiante joue au football avec l’un de ses amis. « C’est dommage que les œuvres soient abîmées », déplore-t-elle entre deux passes. Sur le mur de l’Espace Co42, on distingue encore les fresques derrière des tags et graffitis hétéroclites. Et l’association de Jade Tarrusson compte bien réinvestir cet espace. « En 2025, le C.A.P.S. aura à nouveau lieu au stade », promet-elle, confiante.
Julie Sarfati