Marie Lalive a grandi à Créteil et participe pour la première fois au festival de sa ville. Avec son court-métrage Sans Toi, elle propose un cinéma engagé, fidèle aux valeurs féministes promues par les organisateurs. Portrait.
Marie Lalive, réalisatrice du court-métrage Sans Toi . CRÉDIT PHOTO: Youen Marivain Analyser une séquence de film, fabriquer une scène… Marie Lalive
l’a appris au Lycée Léon Blum de Créteil. Elle y intègre, en 2017, l’option cinéma et suit six heures de cours par semaine sur les techniques du 7è art. Lors d’un enseignement de travaux pratiques, elle est assignée au poste de réalisatrice et doit mettre en scène une rupture amoureuse. Pour la passionnée aux boucles auburn, c’est la révélation : « Je veux réaliser des films, et qu’importe si je les écris ». Par son établissement, Marie découvre le Festival, à l’occasion d’un partenariat en 2019 permettant aux élèves de se constituer en jury. « J’ai pu m’immiscer dans l’envers du décor pendant 10 jours ». Depuis, Marie s’est lancée à corps perdu dans de multiples projets. Courts-métrages, clips… Rien n’arrête cette touche-à-tout. À 22 ans, elle réalise en autoproduction, avec les moyens du bord. Quand elle n’est pas sur un plateau, la Cristolienne partage son temps entre un collège où elle est surveillante et son travail d’ouvreuse à la Maison des Arts de Créteil. Celle-là même qui accueillera la 47ème édition du Festival en avril prochain. Cette année, Marie a rejoint l’association Black Sheep Production, un collectif de jeunes cinéphiles, et participe à leur résidence d’écriture. Durant celle-ci, elle a écrit le scénario du film Sans Toi , soumis cette année au Festival cristolien. L’association produit et subventionne son court-métrage. Un tournage où se sont affairées une trentaine de personnes, avec une régie professionnelle et du matériel de haut vol. Un luxe pour Marie, habituée aux projets avec des budgets de 50 euros. Le cinéma comme don de soi Marie aime les récits intimistes. Pour son court-métrage, elle met en scène sa propre vie : celle d’une metteuse en scène, qui cherche à faire jouer son histoire par de jeunes comédiens. Elle y raconte, d’une façon assez cathartique, une rupture ardue. Une mise en abyme parfois difficile à vivre : « Il y a un côté impudique, à la limite du narcissisme, mais j’ai aimé les réactions que mon film a suscitées ». Les réactions des femmes autour d’elle l’ont poussée à le soumettre au Festival. Quand d’autres femmes ont visionné la scène pivot du film – une agression –, leur parole s’est libérée. « C’est la première fois que je me sens comprise et soutenue », lui a-t-on confié. Pour Marie, c’est le signe qu’il faut que son histoire appartienne au monde. «Il y a plein de choses qu’en tant que femmes, on vit très collectivement, mais très silencieusement aussi. Je veux rompre ce silence». Selon Ingrid, sa mère professeure de comédie musicale, Marie était déjà, enfant, très directive dans ses spectacles, avec toujours l’idée de raconter une histoire bien ficelée. « On lui reprochait de trop parler, trop partager. Mais aujourd’hui, c’est sa force », admet sa mère. Soumettre ce film à un jury est symbolique pour la jeune Cristolienne. « C’est le premier festival auquel j’ai assisté, et surtout, c’est un événement très féministe, avec plein de débats », décrète-t-elle.Sans toi … ni hommes Devant et derrière la caméra, le cinéma de Marie respire le féminisme. Celle-ci accorde une importance à donner les postes aux femmes. Sur le tournage de son court-métrage, seuls le chef opérateur, le chef électricien et deux régisseurs étaient des hommes. Une narration différente, pour que les femmes parlent elles-mêmes de ce qu’elles vivent. « Je voulais raconter ces violences d’un point de vue plus empathique, qui parle aux femmes et non aux voyeurs », lâche Marie, les yeux humides. Elle défend un cinéma qui lui ressemble, coûte que coûte. « Cela ne m’intéresse pas d’intégrer les plus grands plateaux, très masculins, ce n’est pas le cinéma que je défends. Tant pis si cela ne m’amène jamais au Festival de Cannes ». Marie se languit avant la sélection des films qui seront retenus pour le Festival de Créteil. En attendant, la cinéaste ne s’essouffle pas : plusieurs de ses scénarios sont en cours d’écriture. Avec toujours, comme pierre angulaire, la féminité. Blanche Boisnel-Hébert