Ce lundi 16 décembre, le RER E tourne enfin à plein régime, du matin au soir. À Nanterre-La-Folie, son terminus, ce changement profite aux usagers d'Est en Ouest, malgré une première semaine déjà émaillée d'incidents.
Un usager teste la ligne du RER E pour la première fois le matin, ce lundi 16 décembre à Nanterre (Photo Paul Waller).
7h40. Sur la voie B de la station Nanterre-La-Folie, une jeune femme vêtue d’un long manteau bordeaux descend d’une rame bleue, casque sur les oreilles. « C’est la première fois que je viens directement jusqu’ici sans changer de RER, c’est tellement plus facile. » Nadia, 21 ans, étudiante à la faculté de Nanterre (Hauts-de-Seine) en licence d’histoire de l’art et archéologie, vient en cours depuis Pantin (Seine-Saint-Denis). Depuis ce dimanche, tous les trains vers l’ouest ont pour terminus Nanterre-La-Folie, ce qui évite à Nadia d’emprunter la ligne 7, puis le RER A. « C’est moins de stress et de fatigue le matin. Je ne me pose plus de questions, je suis sereine. Je me lève même plus tard ! », explique-t-elle.
Car pour la première fois en semaine, le RER E tourne à plein régime, le premier train partant à 5h26. Jusqu’ici, il ne fonctionnait qu’entre 10 heures et 16 heures. Autre révolution sur la ligne : les panneaux d’affichage indiquent en moyenne un train toutes les 4 minutes, contre 15 auparavant. Daddy, 40 ans, employé d’une filiale de la Société générale à Nanterre, habite Porte de Clignancourt. Il sort satisfait du train suivant. « J’y gagne 15 minutes, avec plus de confort, moins de monde et je n’ai plus à passer par Châtelet. À l’avenir, après avoir pris la ligne 4, je prendrai plutôt le RER E », tranche-t-il.
Désaturer le RER A
Pourtant, quelques dizaines de minutes plus tard, est annoncée par signal sonore l’interruption du trafic entre Saint-Lazare et Nanterre-La-folie. « Cela fait suite à un incident voyageur à Porte Maillot et une panne de réseau à Nanterre-La-Folie », justifie la voix grave d’un agent. Progressivement, la station devient déserte. Seul Mohammed, habillé d’une parka noire et résident de Nanterre, reste perplexe sur un des quais, le nez levé vers les panneaux d’affichage. « Je devais être à 8 heures 30 à Gare du Nord pour un inventaire, je n’y serai jamais, rapporte ce manutentionnaire. Pour ma première expérience du RER E, c’est complètement raté, heureusement qu’il y a la ligne A ». Au bout de quelques minutes, Mohammed finit par s’impatienter, avant de monter sur un escalator pour emprunter le pont vers la sortie.
Sur le trottoir qui longe la station, deux femmes en talons passent en regardant avec intérêt les panneaux d’affichage des trains. « On espère que le RER E va décharger le RER A qu’on prend juste à côté, même s’il n’y a pas l’air d’y avoir grand monde », lance Fanny, responsable comptable chez Vinci, à deux pas du RER. Non loin de là, Patrick, retraité et passionné de transports, les mains derrière le dos, masque chirurgical sur le visage, observe attentivement la gare. « J’ai l’impression qu’il faut plusieurs mois avant que les gens ne réalisent qu’il existe une nouvelle offre », déclare-t-il .
Un quartier plus attractif
Au même moment, Yasmine, 28 ans, analyste informatique dans une entreprise de la ville, sort de la station en déployant un parapluie noir. Ce changement est pour elle une forme de libération. « Parfois, on a des afterwork qui se finissent tard, j’étais obligée d’écourter et de partir plus tôt pour pouvoir être sûre de rentrer. Là, ça va vraiment me permettre de faire d’autres choses », raconte avec le sourire cette habitante du 93 résidant près de la station Le Raincy-Villemomble-Montfermeil, sur la ligne E.
Dans le « Coffee Green » accolé à la station, fraîchement ouvert il y a deux mois, Éric s’attèle à la préparation de sandwichs pour l’heure du déjeuner. « On avait peu de clientèle avec les heures restreintes de service du RER E. Mais avec la nouvelle fréquence de trafic, je suis sûr que ça va décoller ! J’ouvre à 7h20 le matin, les gens vont prendre l’habitude de venir avant d’aller travailler », raconte-t-il avec enthousiasme.
À 11 heures, du monde afflue à nouveau dans la station. Le trafic n’a toujours pas repris mais sur le pont, au-dessus des trains, une allocution se prépare. Un barnum blanc a été installé. À l’intérieur, chacun essaye de se trouver une place. Des pancartes bleues y sont réparties aux quatre coins. On peut y lire : « Voyagez plus et plus vite avec le RER E vers l’ouest. » Sur une petite estrade, la présidente de la Région Ile-de-France, Valérie Pécresse, réagit aux problèmes de trafic du matin en agitant les mains. « Deux incidents le jour de l’inauguration, ce sont les joies du direct », déclare-t-elle, non sans auto-dérision.
Après son discours, elle s’extirpe des lieux quand les responsables du projet Eole (le prolongement du RER E vers l’ouest), usagers, personnels SNCF ou encore ingénieurs demeurent rassemblés autour d’un stand de croissants, dans une ambiance musicale. Devant la station, avant de regagner un véhicule blanc qui l’attend, Valérie Pécresse commente la plus-value du RER E pour les habitants de Nanterre en ces mots : « Ce sera pour eux une source de prospérité énorme et cela leur permettra de s’ouvrir de nouvelles perspectives sur tout le territoire d’Ile-de-France ». 370 000 usagers empruntent le RER E chaque jour. Avec la nouvelle offre, ce chiffre devrait atteindre les 650 000 voyageurs dans les mois à venir.
Paul Waller