Artiste peintre et sculpteuse, cette ancienne coiffeuse a construit sa réputation sur l’originalité de ses œuvres et ses prix abordables. Installée à Clichy depuis 2013, elle se démarque des artistes de la ville par son attention à la transmission de son métier et le sens caritatif qu’elle lui donne.
«Ce masque de luminothérapie, je l’ai trouvé dans la rue à deux pas de chez moi. Je l’ai récupéré et j’ai vu qu’il fonctionnait. Avec un cadre et quelques peluches, j’en ai fait un luminaire pour enfant !» L’appartement de Brigitte Bourgeois, situé avenue Anatole France à Clichy, est également son atelier. Sur les étagères, les murs, par terre, sur les meubles, les tables, son salon est rempli de créations fabriquées à partir d’objets trouvés sur le trottoir. Mais aussi d’autres œuvres de tous types, entre peintures aux styles variés et gravures sur métal ou sur lino. «Je ne sais plus où les mettre, il y en a aussi plein la chambre», se désole cette passionnée de la première heure, qui se faisait «gueuler dessus par [sa] mère» parce qu’elle «refaisait les papiers peints à la peinture».
A 67 ans, Brigitte Bourgeois, alias «Bibart», est une artiste multiple, avide de découvrir des techniques artistiques que peu d’autres maîtrisent. «Il y a huit ans, j’étais la seule femme française à pratiquer le Gyotaku, et aujourd’hui on est toujours moins d’une dizaine», assure-t-elle. Cette technique ancestrale japonaise consiste à reproduire des empreintes de poisson sur du papier de riz. Tous ses Gyotaku, comme nombre de ses œuvres, sont exposés au Kamu, un café associatif clichois connu de tous les artistes de la ville, où sont organisés des expositions et des ateliers créatifs.
« Des galeristes parisiens m’ont demandé de rajouter un zéro. J’ai dit non »
Les expositions sont un maillon essentiel de l’activité de Brigitte Bourgeois. Encore faut-il trouver des lieux où exposer dans une ville désertée par les galeristes depuis plusieurs années. Entre les évènements organisés par la mairie, tel que le Festival C.A.P.S., ou encore «Clichy a du talent», Brigitte Bourgeois doit faire preuve d’audace pour investir de nouvelles galeries. Aussi improbables soient-elles : «J’ai tapé à la porte d’un prothésiste dentaire à côté de chez moi et je lui ai montré mes tableaux, il est devenu fou ! Je lui en ai offert six et, en échange, il m’a laissé exposer plus de 900 créations dans son cabinet pendant trois mois ! J’en ai vendu des centaines», se vante-t-elle.
Mais gagner de l’argent avec ses tableaux n’est pas ce qui motive cette coiffeuse de formation. Loin de là. «Je veux que mes tableaux restent accessibles à tous. Ce tableau avec les rappeurs américains, je l’ai mis à 395 euros, mais des galeristes parisiens m’ont demandé de rajouter un zéro. J’ai dit non.» Originaire de Paris, Brigitte Bourgeois a vécu la majeure partie de sa vie hors de l’Ile-de-France. D’abord en Bourgogne-Franche-Comté, où elle possédait son propre salon de coiffure – son activité principale – à côté de laquelle elle continuait de créer sur son temps libre. Puis dans le Loiret, à partir de 1996, où elle s’est décidée à ouvrir sa galerie d’art, pour enfin vivre de sa passion. Avant de tout quitter après une rupture avec son conjoint, pour venir s’installer à Clichy, en 2013.
Ce qui anime avant tout Brigitte Bourgeois, aujourd’hui retraitée, c’est le partage : mettre à profit son savoir-faire avec d’autres artistes et, surtout, le transmettre. Stages, cours particuliers, et même plus, si elle peut : «Un jour une petite fille de neuf ans m’a montré ses tableaux. J’ai trouvé ça super alors je les ai exposés et j’en ai vendu quatre pour elle. « Je vais pouvoir devenir artiste ? »», m’a-t-elle demandé. «Si tu vends tes œuvres, c’est que tu l’es déjà», a répondu «Bibart».
Un collectif d’artistes au service de personnes dans le besoin
Une générosité peu répandue dans le milieu artistique, y compris à Clichy. «Les artistes sont des sauvages, c’est chacun pour soi», déplore-t-elle. Pourtant, la ville des Hauts-de-Seine regorge de collectifs d’artistes, tels que l’Atelier Oblik, Envie d’Art ou Le Bateau Libre. Autant d’associations qui permettent aux créateurs de travailler dans des ateliers partagés et de promouvoir leurs œuvres.
Brigitte Bourgeois a bien tenté de rejoindre l’une d’entre elles. Mais peu convaincue par l’ambiance et l’absence de projets communs entre artistes du collectif, elle a finalement fait marche arrière. Pour mieux rebondir : «Je vais créer ma propre association, pour qu’on puisse se rassembler et travailler tous ensemble.» Grand-mère d’un petit garçon atteint du syndrome d’Asperger, elle souhaite dédier ce projet à ceux que l’art peut aider : les enfants atteints par cette forme d’autisme, mais pas seulement. «J’aimerais emmener des petits dans des Ehpad et créer un projet commun où enfants et personnes âgées peindraient ensemble.» Un projet altruiste, à l’image de Brigitte.
Adrien Nerozzi-Banfi