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«Je suis beaucoup plus à l’aise avec moi-même» : à Nanterre, des cours d’éloquence pour les étudiants – Grand Paris Popu

«Je suis beaucoup plus à l’aise avec moi-même» : à Nanterre, des cours d’éloquence pour les étudiants

Tous les lundis, des étudiants de l’université de Nanterre se retrouvent lors d’ateliers dédiés à l’éloquence, organisés par l’association Eloquentia et ouverts à tous. Ils s’y entraînent à prendre la parole en public et y soignent aussi des problèmes plus profonds. Reportage.

Un à un, les étudiants racontent une anecdote, vraie ou fausse. À droite, Eloïse supervise. © Camille Fauqueur

«Pour vous, ça veut dire quoi avoir de l’impact ?» La séance est lancée. Mohammed brise la glace. «C’est marquer les gens.» «Vous avez un exemple de parole positive qui vous a impacté ?», rétorque l’animatrice. Un silence assourdissant s’empare de la salle. Chacun regarde ses pieds, se tripote les mains. «La phrase connue de Malcom X « I have a dream !« », s’exclame un étudiant, pull bleu nuit et grand sourire. Moment de blanc. La foule s’esclaffe. C’était Martin Luther King.

Tous les lundis, de 18h30 à 20h30, les étudiants volontaires de l’université de Nanterre se retrouvent dans la maison des étudiants de l’établissement. Au programme : exercices de diction, débats, ateliers de respiration. Éloïse anime en ce soir de décembre son premier atelier. La jeune diplômée à la queue-de-cheval en désordre enchaîne les jeux, qu’elle lie toujours à l’éloquence. «Cinq d’entre vous vont énoncer une vérité ou un mensonge. Les autres, à vous de démêler le vrai du faux», lance-t-elle. Grosses lunettes rondes sur le nez, Ahmed Junior commence. «Je me suis fait courser par trois lions et j’ai dormi trois jours dans la savane pour me cacher.» La foule est en délire. «Impossible ! Tu cours pas assez vite !», rétorque Djibril. Quelques minutes plus tard, les résultats tombent : Ahmed Junior disait vrai. Le groupe se rassoit, bouche bé. «Pour marquer l’audience, il faut que les gens vous croient. C’est comme ça que votre discours a vraiment de l’impact. Et pour ça, le choix des mots est primordial», conclut Éloïse. Tous acquiescent.

Rendre accessible

Créée en 2013 à Saint-Denis dans le but de démocratiser la prise de parole, Eloquentia est implantée à Nanterre et dans plusieurs universités de la petite et de la grande couronne parisienne. «Quand on vient de banlieue ou qu’on fait partie d’une minorité, on nous demande souvent d’en faire plus. Ça passe aussi par la parole. Notre travail, c’est de montrer que l’éloquence, c’est ouvert à tout le monde», explique Fatimata, 19 ans, qui gère la communication de l’association depuis septembre.

Ici, pas d’inscription, pas de sélection. Tout le monde vient quand il veut et comme il peut. «Le premier atelier de l’année, on était 80. Là, c’est les partiels, alors forcément il y a moins de monde», se justifie-t-elle. Dans la salle, quelques retardataires rejoignent le groupe d’une vingtaine de personnes assises en cercle.

Habillé d’un t-shirt noir floqué à l’effigie du dessin animé Cars, Ahmed Junior récite un poème qu’il a écrit. «Dans les silences, une lueur s’élève, infinie. Chaque fissure laisse passer la lumière.» De gauche à droite, il se balade dans la salle, emmène son public avec lui. «Avant, j’étais très introverti. Là où j’ai grandi, à Nanterre, pour régler un problème, on ne parlait pas. C’est ça qui m’a incité à prendre la parole. Maintenant, je suis beaucoup plus à l’aise avec moi-même, avec les mots.» Depuis un an et demi, il suit les ateliers tous les lundis soir, gratuitement.

«Pour moi, c’est vraiment une thérapie»

Dans la salle au sol rouge écarlate, les lumières de cinéma accrochées au plafond offrent à chaque scène un caractère théâtral. Pour clôturer la séance, quelques volontaires montent sur l’estrade et répondent aux questions, des plus farfelues aux plus intimes. Un exercice pour travailler la répartie. Face à tous, Fansou raconte la rupture d’anévrisme qui l’a plongé deux semaines dans le coma. «J’ai totalement perdu confiance en moi, c’est pour ça que je suis là aujourd’hui.» Un béret beige cache les cicatrices sur le haut de son crâne. Tous applaudissent.

À son tour, Inès scande : «Aujourd’hui, je suis une ambassadrice de la colère. Ce qui me met en colère, c’est le verglas sur le pare-brise, les gens qui marchent lentement dans le métro, la guerre, la famine. Ce qui me met en colère, c’est que vous ne soyez pas en colère…» Avant d’être interrompue. L’agent de sécurité ferme l’établissement dans deux minutes. Personne n’avait vu le temps passer.

Devant la Maison des étudiants, le groupe qui ne se connaissait pas il y a quelques mois se raconte des anecdotes, débat de la force des mots. «Quand je déclame mes textes, je ressens une flamme en moi qui a envie de sortir», raconte Hakim, animé. «Pour moi, c’est vraiment une thérapie», ajoute-t-il, les yeux brillants.

Il est 21h30 et l’atelier est fini depuis une heure. Alors que les discussions s’éternisent, la foule s’éparpille, forcée par la nuit tombante. Les derniers au revoir sont lancés, tout le monde se retrouvera la semaine prochaine.

Camille Fauqueur