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Jeff Dahie, la boxe tranquille – Grand Paris Popu

Jeff Dahie, la boxe tranquille

A 31 ans, Jeff Dahie est déjà multi médaillé de boxe française. Il a remporté en octobre son cinquième titre de champion du monde. Tout en conciliant sa carrière de professeur d’EPS, il brigue en 2025 un nouveau titre européen.

Jeff Dahie avec des « paws » dans son club de boxe française de l’US Créteil, le 16 décembre 2024.
Crédit : Sarah Herrera

« Allez time, soufflez ! » s’époumone Jeff Dahie, vêtu d’un jogging et d’un pull noir floqué « Boxing Créteil ». Dans la salle de boxe française savate de l’US Créteil, c’est lui qui dicte le rythme. Chronomètre en main, il veille à la bonne exécution de chacun des mouvements de ses élèves. Son amour pour la boxe est né de manière fortuite lorsqu’il avait 14 ans. Il a débuté par un cours d’essai avec ses amis, puis il y est retourné seul. Dès la première année, son entraîneur et désormais coordinateur technique Stéphane Yvon repère chez lui un talent pugilistique. « Il avait énormément d’énergie à canaliser. Dès la première année, on a vu qu’il y avait quelque chose à faire. L’année suivante, on l’a inscrit aux championnats chez les cadets », se remémore celui qui l’entraîne depuis presque vingt ans.

Premier round, monter sur le ring

Au cours de ces premiers championnats, c’est la désillusion : l’adolescent de 15 ans perd son combat en finale, affligé. « J’étais au bout de ma vie, je l’ai vu comme un échec. Aujourd’hui, je sais que ce n’est pas grave, et finalement, ça a été un élément déclencheur pour la suite », relate-t-il. Car Jeff n’est pas du genre à se laisser saper le moral. « C’est un bosseur, extrêmement passionné et généreux dans tout ce qu’il entreprend », souligne Stéphane Yvon. A partir de sa troisième année de boxe en 2010, tout s’enchaîne : championnats régionaux junior, championnats de France junior, championnats du monde junior, championnats du monde sénior, championnats Elite 1 qui réunit les meilleurs combattants… Jusqu’à l’obtention de son dernier titre en octobre : cinquième titre de champion du monde de boxe française.

Plus qu’un sport, la boxe est avant tout un moyen de se surpasser pour Jeff. « Ce que je préfère, c’est être face à une personne et de se dire :  c’est elle ou moi, confesse-t-il. Et évidemment, le goût de la victoire. » Sa meilleure ? Les championnats du monde de 2022 en Italie. « Le club dans lequel je boxais m’avait sponsorisé à hauteur de 2 000 euros. J’ai payé le billet d’avion pour mes proches. Ils étaient une vingtaine en Italie à me soutenir. Quand j’ai gagné, ils étaient très fiers, nous étions tous très émus », se souvient-il, le sourire aux lèvres.

Mais ces victoires, Jeff ne les obtient pas sans coup férir. Sur les réseaux sociaux notamment, il fait face à des commentaires racistes. Le dernier en date ? Sous une photographie postée sur Instagram avec deux autres boxeurs noirs, lors des dernières élections législatives. Un moment qu’il a très mal vécu. « A Créteil, je ne suis pas habitué à vivre du racisme. Je ne leur ai pas répondu, je ne voulais pas réagir à chaud », s’émeut-il. Mais il a su rebondir et appeler ses abonnés à aller voter. Sur les réseaux sociaux comme dans la vie, Jeff ne perd jamais de vue la pédagogie.

Un professeur avec du punch

Plus qu’un boxeur, Jeff est un professeur de sport et un entraîneur. Au bout d’une heure dans son club, une adolescente laisse échapper, pantoise : « Ah c’est déjà fini ? ». D’après Isaure, boxeuse de 16 ans et compétitrice depuis quatre ans, Jeff les pousse à donner le meilleur d’eux-mêmes. « Pour les championnats de France en Guadeloupe, je suis tombée malade et je n’y croyais plus. Mais Jeff m’a remotivée, et ça m’a permis de gagner », se remémore-t-elle.

Jeff entraîne des espoirs de la boxe française, mais aussi des élèves du collège de Maillé dans lequel il enseigne l’EPS, à dix minutes à pied du club. « Les parents sont contents. Rien que ce matin, un parent m’a envoyé un message pour me remercier d’entraîner leur fille à l’école et au club », confie-t-il, avant de s’interrompre pour vérifier sur son téléphone que les jeunes qu’il entraîne n’aient pas une urgence. 

Pour le Cristolien d’enfance, enseigner l’EPS est une vocation. Après des études de Staps à l’Université de Créteil, il passe le Capes, sans aménagements pour pratiquer son sport de prédilection. « Je n’avais pas vraiment de vie sociale, mais je ne voulais pas passer à côté de mes études », explique le boxeur. Malgré ses multiples titres, Jeff ne souhaite pas être idéalisé : « L’année dernière en arrivant au collège, des élèves ont appris qui j’étais. J’étais gêné, donc je leur ai dit que c’était mon jumeau !, se marre-t-il. Je veux qu’ils me voient comme un prof, pas une idole. »

Pour mener de front sa carrière sportive et professionnelle, il suit un rythme intense : cinq entraînements par semaine, 25 heures de travail au collège, compétitions le week-end et 12 heures de coaching. Sans compter la préparation physique pendant laquelle il doit changer son alimentation. Mais cette gageure semble porter ses fruits. « Il y a deux jours, je parlais avec mon meilleur ami, et on se demandait ce qu’on ferait si on devenait riches. Eh bien on ne changerait rien. J’adore l’EPS, et j’adore la boxe », avance-t-il fièrement. 

Créteil comme ville de cœur

Jeff ne compte pas quitter Créteil, sa ville d’enfance. Né en 1993 à Paris, il y vit depuis ses 11 ans et la connaît par cœur.  « J’ai tous mes souvenirs, c’est inexplicable », affirme-t-il. Pour Stéphane Yvon, sa qualité essentielle est son humilité, une arme à double tranchant pour Jeff. Pendant très longtemps, il a caché à sa famille qu’il faisait de la boxe en compétition, par peur de les décevoir. Sa famille découvrait ses combats de loisir sur les réseaux sociaux, et en 2012, lorsqu’il avait 18 ans, Jeff leur a avoué boxer professionnellement.

Autre symptôme de cette humilité, sa timidité : « Tous les ans, à la remise de récompense pour les sportifs de la ville, le maire Laurent Cathala nous félicite. Je n’ai jamais osé lui parler, alors que je sais qu’il me connaît. Même si je suis champion du monde, je ne suis pas une star ». C’est à cause de cette timidité que Jeff se refuse pour l’instant à participer aux Jeux olympiques de 2028 à Los Angeles. « Il faudrait que je fasse de la boxe anglaise, mais surtout, j’aurais du mal à gérer l’aspect médiatique. »

En attendant son prochain round, Jeff prépare un titre français pour avril 2025, avant d’enfiler ses gants pour briguer un titre européen en septembre 2025. « Ting ting », sonne la cloche du dernier round. Jeff retourne en petites foulées vers le ring.

Sarah Herrera