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Des hôtels quatre étoiles transforment le paysage de Clichy – Grand Paris Popu

Des hôtels quatre étoiles transforment le paysage de Clichy

Le quartier de la mairie de Clichy collectionne les étoiles. Trois hôtels de luxe se sont construits au cours des sept dernières années. Les façades flambant neuves se dressent désormais entre bazars et drogueries. Une cohabitation qui témoigne du processus de mutation de la ville.

La façade flambant neuve de l’hôtel Tribe à Clichy. Crédit : Maé Brault

Laverie libre service ouverte sept jours sur sept. Pour 4,30 euros, six kilos de linge passeront à la machine de cette laverie populaire, accolée au dernier né des hôtels 4 étoiles de Clichy. Pour à peine un euro de moins, vous pourrez vous asseoir sur la banquette du nouvel établissement du groupe Accor pour y boire un expresso à 3,50 euros. Un contraste saisissant qui témoigne de la transformation de la ville des Hauts-de-Seine. 

Situé sur le boulevard Jean Jaurès à moins de 10 minutes à pied du métro mairie de Clichy, Tribe a ouvert ses portes en 2024. Il s’ajoute au Yak hôtel, inauguré en juin 2023, ainsi qu’à L’Imprimerie, installée dans le même quartier fin 2017. Ici, les pneus et les plaquettes de freins de l’ancien garage ont été remplacés par des canapés en velours bleu canard et des chaises en osier. Fini la soudure et les bruits de ponceuse, place à la musique lounge. Un bar entouré de néons blancs trône au milieu de la salle. En face, des vases et des livres design sont exposés au mur. 

L’espace principal de l’hôtel Tribe. Crédit : Thelma Gallicere

À l’entrée, une grande table en bois avec multiprises intégrées accueille un espace coworking. Loulou et Laeticia tapent sur leur clavier d’ordinateur. La première est directrice d’une agence de communication dans les Outre-mer. Elle se définit comme«digital nomade»,un emploi qui lui permet d’être en«100% télétravail». Cette cadre a l’habitude de fréquenter ce genre d’endroit et se réjouit de son ouverture : «On se sent bien, c’est vraiment cocooning». En face d’elle, Laeticia, cadre commerciale dans l’alimentaire, travaille à Londres. Dès qu’elle rend visite à sa famille à Clichy, elle vient travailler dans l’un des hôtels quatre étoiles du quartier. «Avant, j’allais à L’Imprimerie, mais là je teste le Tribe pour la première fois».

A cinq minutes à pied, l’hôtel L’Imprimerie s’est construit sur les ruines d’une ancienne manufacture. Derrière la réception, d’anciens caractères d’impression en bois sont exposés. C’est tout ce qu’il reste de cette époque ouvrière. Aujourd’hui, les cadres ont massivement investi la commune des Hauts-de-Seine.  D’après l’Insee, la population clichoise est passée de 15,5% de cadres en 2009 à 37% en 2021. Laetitia en fait partie. Elle est prête à débourser 25 euros pour une formule lui permettant de manger et de travailler toute la journée dans l’espace de coworking. 

Affiche exposée dans la cour de l’hôtel de L’Imprimerie – Imprimerie Paul Dupont – Sortie des Ouvriers. Crédit : Thelma Gallicere

De l’autre côté du bar, ce prix est loin de faire l’unanimité. Paul, chef de projet en t-shirt gris et baskets, travaille avec son ami Soui, chef de projet informatique en freelance. «Revenir ? Pourquoi pas, mais bon vu le prix du café», rigole-t-il. Installé depuis sept ans dans l’ancien quartier prioritaire de Sanzillon, il admet : «La population a grave changé. C’est une ville de cadres depuis quatre ou cinq ans. Depuis le second mandat du maire en fait.» En 2015, Rémi Muzeau, un divers droite, proche de Patrick Balkany, ancien maire de Levallois-Perret, est élu à la tête de Clichy. Il prend les commandes de la ville après 70 ans d’une municipalité de gauche.

Faire un «Levallois bis»

Ce basculement a entraîné le développement «d’infrastructures, de restaurants sympas, d’espaces verts», affirme un agent immobilier de la rue de l’Ancienne Mairie. Éco-quartier, épiceries fines, écoles bilingues, les services se multiplient. Pour l’agence immobilière Moriss, l’apparition des hôtels n’a pas d’incidence directe sur l’augmentation des prix ou sur la gentrification d’un quartier. Ce qui fait la différence, c’est avant tout l’accessibilité : «La facilité de transport, ça attire les bobos parisiens», résume-t-il avec le sourire.

Le prolongement de la ligne 14 au sein du Grand Paris en 2021 a eu un effet significatif sur le marché immobilier, augmentant les prix de 20% en moyenne. «J’ai une cliente qui m’a clairement dit ‘J’ai acheté pour la ligne 14’, et ce n’est pas la seule.» Si les nouvelles infrastructures attirent une cible de cadres supérieurs, les projets de transformations de la ville excluent une partie des anciens habitants. Le maire affiche son envie de faire de Clichy un «Levallois bis», selon l’expression reprise par l’agent immobilier.

Les hôtels hauts-de-gamme appuient ce changement de population : les cadres y sont de plus en plus nombreux. Wesley, réceptionniste au Yak hôtel affirme : « le lieu accueille presque exclusivement des ‘corporates' », c’est-à-dire une clientèle d’entreprise. Par exemple, Amazon et Académia signent des contrats avec le groupe hôtelier pour envoyer leurs équipes séjourner au Tribe. L’hôtel L’Imprimerie a, lui, récupéré des contrats auprès de L’Oréal, Bic, Etam ou encore l’école de commerce EM Normandie. L’installation en avril 2018 du Tribunal judiciaire de Paris à moins de quinze minutes à pied draine aussi une clientèle d’avocats. De quoi apporter du dynamisme à tout le quartier. 

«Vu les prix, ni moi, ni ma famille n’iront ici»

En face des baies vitrées de l’hôtel Tribe, une dame aux cheveux blancs pousse son caddie. Émilienne, bientôt 90 ans, habite Clichy depuis ses 18 bougies. «Vu les prix, ni moi ni ma famille n’iront dans cet hôtel, mais c’est bien pour le quartier», témoigne-t-elle. Dans le restaurant en face, Hassan, gérant du Bar de l’Église, se réjouit également de l’arrivée de l’hôtel : «Il y a même des clients qui viennent manger chez moi le midi». Assis à la table de l’espace coworking de L’Imprimerie, un homme au chapeau jaune discute avec un ami. C’est Zack, un artiste de 37 ans qui a grandi dans une cité de Clichy et est revenu y habiter il y a peu. Lui aussi s’enthousiasme de l’évolution de la commune : «Avant, Clichy c’était un ghetto. Aujourd’hui ça a beaucoup changé. Les anciens sont moins contents parce qu’ils ne s’y retrouvent pas forcément.»

Marie-Emmanuelle, clichoise et retraitée de 64 ans, reste dubitative face à la multiplication des hôtels de luxe. «Les gens ne peuvent plus trop se payer de loisirs. Je ne sais pas si c’est une bonne idée, je me demande qui va y aller», confie-t-elle. Elle s’inquiète du sort des commerces de proximité et surtout de la crêperie Du Landry, tenu par un de ses amis : «Depuis la pandémie, énormément de magasins ont fermé. Le gérant de la crêperie m’a dit qu’il ne savait pas combien de temps il allait tenir», confie la sexagénaire.

Le Covid a accéléré la fermeture des petits commerces. Ce qui permet à la mairie de poursuivre la transformation urbaine et sociale de la ville. Une volonté exprimée clairement par le dernier slogan de la municipalité, «Clichy change pour vous».

Maé Brault et Thelma Gallicere