Treize semaines pour réinsérer des jeunes décrocheurs. C’est le défi du dispositif Promo 16-18, porté par l’AFPA (Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes) de Créteil. Des adolescents venus de tout le Val-de-Marne y trouvent un accompagnement vers la formation et un projet d’avenir.
Ce mercredi 18 décembre au matin, ils sont une quinzaine de jeunes installés dans une des salles de l’AFPA. Il s’agit de leur première semaine au centre de formation. Une nouvelle recrue, Enzo*, arrive en cours de route. L’occasion pour les autres de faire un tour de table des présentations. Certains arrivent avec un projet en tête. Sara et Mila veulent devenir animatrices et passer leur BAFA. Entraîneur de foot, animatrice, éducatrice spécialisée, mécanicien automobile, métiers de la mode… Les ambitions sont multiples. Enzo n’a aucune idée : « J’ai pas de projet hein. » Sara lui demande : « Et pourquoi t’es à l’AFPA toi ? » C’est Charlotte Mendy, la formatrice, qui répond : « Vous êtes ici parce que le système classique ne vous convenait pas. »
La Promo 16-18, ce sont des groupes de quinze jeunes en décrochage scolaire ou en voie de décrochage. Ils sont souvent envoyés par leur mission locale, elle-même contactée par les établissements scolaires qui constatent leur absentéisme. Ils s’engagent dans treize semaines de formation au sein de l’AFPA. L’objectif, répondre à leurs besoins pour faciliter leur chemin vers la formation. Cette initiative cristolienne née en 2020 répond à l’appel à projet du dispositif national ‘1 jeune 1 solution’, relatif à l’obligation de formation. Ils viennent de tout le département du Val-de-Marne à l’AFPA Créteil, seul centre de formation qui propose cette solution.
Un pont pour accéder au monde professionnel
Treize semaines durant, les adolescents assistent à des ateliers pour découvrir leurs talents et compétences, mais rencontrent aussi des intervenants venus présenter leur métier. Via la visite de centres de formation et la découverte de secteurs d’activité, ils construisent leur projet professionnel. Ils sont accompagnés par deux conseillers d’insertion professionnelle, une éducatrice, et toujours leur formatrice, Charlotte Mendy. « On voit les codes à adopter en entreprise, des choses qu’ils n’apprennent pas à l’école », explique Amine Koubakji, coordinateur des dispositifs d’accompagnement du centre. Par l’échange avec des professionnels du terrain, les jeunes déscolarisés préparent la suite : une entrée en formation, en école de la deuxième chance, en EPIDE (établissement pour l’insertion dans l’emploi, ndlr)… A l’issue de la première semaine, ceux souhaitant continuer l’aventure signeront leur Contrat Engagement Jeune. A la clé, une aide financière dédiée à encourager les adolescents dans leur projet de réinsertion.

Une cohésion de groupe
Aujourd’hui, les quinze jeunes sont en salle informatique pour s’inscrire sur les plateformes d’entraînement au code de la route. « Dès que j’ai 18 ans, le permis je vais le passer direct », scande l’un d’eux. « Moi, j’ai du retard, faut que je le passe », admet un autre. Avachi sur sa chaise à roulettes, un jeune homme lit la question du simulateur routier : « Je m’arrête au passage piéton ? ». Il coche la case ‘Non’. Son voisin le charrie : « Bien sûr que c’est oui frère. » L’ambiance est taquine, mais surtout bienveillante. Dans la salle du centre AFPA de Créteil, les règles de vie collective sont affichées au tableau : respect, écoute, intégration, confiance, entraide, franchise, optimisme. « Ce sont les jeunes qui les ont eux-mêmes édictées », confie Charlotte Mendy. Créer un groupe soudé relève de la volonté de l’ancienne travailleuse associative. « L’un d’eux m’a envoyé un message le soir du premier jour, pour me dire qu’il se sentait bien dans le groupe. Cela fait plaisir venant de jeunes qui n’ont pas toujours trouvé leur place dans un groupe auparavant », glisse la formatrice. Harcèlement scolaire, mauvaise orientation… Tant d’obstacles qui ont mené à leur éloignement des structures éducatives conventionnelles.
« Qu’est-ce que j’ai dit hier ? Dans mon groupe, je veux que… », questionne Charlotte Mendy, « … que l’on s’entraide », répondent-ils en chœur. La formatrice insiste sur la création d’un climat de bienveillance pour des jeunes manquant souvent de confiance en eux. « Ce n’est pas anodin de vivre déscolarisé : il y a une pression des autres, des parents aussi », dit-elle.
Les membres de la Promo attendent beaucoup du dispositif. Ismaël souhaite trouver une formation dans la mode, tandis que Yanis s’oriente vers un bac professionnel. Mila est plus déconfite : « J’attends que vous m’aidiez beaucoup, parce que mon cas… ». Charlotte Mendy rétorque avec le sourire : « Félicitations, tu es venue, déjà ! Ce n’est pas grave de ne pas savoir quoi faire ou de changer d’avis. » Ici, le but est de montrer aux jeunes l’éventail des possibilités et le fait qu’il y a plusieurs manières d’arriver à leur fin. Les élèves de la Promo 16-18 semblent agréablement surpris du début de leur expérience : « La manière d’apprentissage est différente, c’est plus pédagogique ici », s’étonne Ismaël. La timide Mila s’impose : « À l’école, on nous prenait pour des enfants. Ici on nous considère. » Tous acquiescent. Le pari du dispositif semble tenu : redonner aux jeunes le sentiment d’être acteurs de leur avenir. Chaque année, 84 jeunes profitent du dispositif de l’AFPA de Créteil depuis son lancement.
Blanche Boisnel-Hébert
*Les prénoms ont été modifiés