Hélène Gelin souffle ses vingt bougies à la présidence du club d’échecs de Créteil, après deux décennies passées à préserver l’ambiance familiale de l’association. Et autant de temps employé à diffuser l’art du sport en blanc et noir.

Hélène Gelin au club d’échec de Créteil Thomas du Bourgneuf, le 18 décembre 2024. Philippine Boulet
« Je ne suis pas une si bonne joueuse. » Difficile de croire que cette phrase sort de la bouche d’une présidente de club d’échecs. Hélène Gelin est installée sur une chaise dont les pieds sont équipés de balles de tennis pour étouffer le bruit. Elle explique son amour du jeu. À l’écouter parler, ce ne sont ni le plateau, ni les pions qui font l’intérêt du sport mental. « J’aime tout ce qui gravite autour » : les liens tissés, le développement de la confiance en soi et les moments partagés.
Se construire avec les échecs, c’est possible. Cette idée porte un nom : « l’échecs thérapie ». Hélène Gelin n’a pas inventé le concept mais y croit dur comme fer. Son expérience en témoigne : « certains prennent goût à la compétition, d’autres au dépassement de soi ». La pratique du jeu de stratégie est aussi bénéfique aux profils autistiques, la présidente du club a pu le constater en proposant des cours d’initiation auprès d’instituts médico-éducatif. « Autour du plateau, on est tous égaux, les différences s’effacent pour laisser place à la réflexion », argumente-t-elle.
Hélène Gelin s’attèle à faire évoluer tous ceux qui croisent son chemin. Dans les écoles cristoliennes, elle intervient pour enseigner les bases du sport de stratégie aux enfants défavorisés avec le programme Les échecs pour tous. Le social, « c’est mon truc », affirme-t-elle. Impossible de résumer les échecs aux calculs. Certaines histoires dépassent de loin le simple jeu de pion. La plus marquante est celle de Fahim, réfugié du Bangladesh. Échéquiste de talent, lui et sa famille ont pu compter sur la solidarité du club pour obtenir l’asile politique. « Ils ont dormi dans nos maisons, au local… »
Comme elle le fait pour les siens, cette mère de trois garçons s’assure que la cohésion soit reine au sein de l’association. «C’est un peu notre maman à tous, Hélène», s’amuse l’un des joueurs. Quand vient une question, un doute, c’est à elle que tous s’adressent. Plus que dévouée, la présidente originaire du Val-de-Marne prend son rôle au sérieux. Au fil des années, elle s’est formée pour le club à l’animation d’ateliers, l’arbitrage et même la gestion des réseaux sociaux. Pour les joueurs, elle ne compte pas ses heures.
Un pion toujours dans l’action
Du temps, elle en a désormais davantage. A 62 ans, Hélène Gelin aborde la retraite avec excitation. Hyperactive. C’est ainsi que se décrit cette femme au regard doux. Judokate depuis ses onze ans, elle est aussi inscrite dans un club de marche, trésorière du comité d’échecs du Val-de-Marne ou encore responsable d’un atelier d’échecs à Bonneuil (Val-de-Marne). Hélène Gelin est du genre à ne jamais s’arrêter. Avec un emploi du temps bien rempli, difficile d’accorder des moment à sa vie de famille. Son mari est, lui, bénévole pour le club d’athlétisme de Créteil. Alors comme elle le dit en rigolant, «il nous arrive parfois de nous croiser à la maison». Il y a quelques semaines encore, elle était directrice de projet dans une société de service. Aujourd’hui en retraite, elle se demande comment elle faisait «pour faire tout ça avec un emploi en plus».
Il faut dire qu’elle en passe du temps dans le petit local de son club d’échecs. Les yeux levés au plafond, elle compte sur ses doigts : le lundi, le mercredi, les week-ends, le reste de la semaine c’est l’administratif. Que ce soit pour les cours, le jeu libre ou les tournois, Hélène Gelin est constamment sur le pont. «Je me donne comme bénévole, c’est beaucoup d’énergie, mais je l’ai choisi».
C’est son fils aîné qui a choisi pour elle. Attiré par le damier, celui-ci demande à essayer. Aussitôt dit, aussitôt fait. Voilà que sa mère, Hélène Gelin, l’inscrit au club le plus proche. Ce sera celui de Créteil. Elle-même fréquente alors régulièrement l’association. Elle accompagne son fils aux cours et tournois, découvre des joueurs passionnés, des enfants curieux. Le tout sans connaître qui du chevalier ou de la tour l’emporte.
Peu à peu, Hélène s’impose comme une figure emblématique du local. À la disparition de sa fondatrice, Maud Désandré, elle prend la tête du club. Cette figure l’a marquée, alors, l’actuelle présidente s’attache à honorer sa mémoire.
Préserver l’identité du club
Ce qui fait la spécificité du club cristolien, c’est son aspect familial. Pas si courant dans un sport presque muet. Une identité qu’Hélène Gelin préserve coûte que coûte. Alors que le club avait la possibilité de rejoindre l’Union sportive de Créteil, la présidente se souvient avoir longuement hésité. Auprès d’une grande association, le projet aurait pu se développer. Peut-être auraient-ils eu de nouveaux locaux, ou plus de moyens ? Mais la singularité du club se serait progressivement effacée. La présidente en est certaine et a donc choisi de la préserver.
Aujourd’hui, elle assure « chercher d’abord à conserver le niveau du club». L’association s’impose sur les grilles aux championnats de France, d’Europe et du monde parfois. Mais à l’horizon 2025, la présidente garde ses ambitions pour Créteil. Elle souhaite, au plus vite, étendre son projet Les échecs pour tous aux écoles du quartier du Mont-Mesly et ainsi, préserver le statut de terres d’échecs de Créteil.
Philippine Boulet