Notice: La fonction _load_textdomain_just_in_time a été appelée de façon incorrecte. Le chargement de la traduction pour le domaine newscard a été déclenché trop tôt. Cela indique généralement que du code dans l’extension ou le thème s’exécute trop tôt. Les traductions doivent être chargées au moment de l’action init ou plus tard. Veuillez lire Débogage dans WordPress (en) pour plus d’informations. (Ce message a été ajouté à la version 6.7.0.) in /home/u643358404/domains/ipjnews.fr/public_html/wp-includes/functions.php on line 6114
Le Point Fort d’Aubervilliers, une friche culturelle au cœur de la gentrification  – Grand Paris Popu

Le Point Fort d’Aubervilliers, une friche culturelle au cœur de la gentrification 

L’urbanisme est en ébullition dans la ville, où les écoquartiers fleurissent. Au cœur du Fort d’Aubervilliers, l’association Villes des Musiques du Monde exploite une friche devenue vitrine culturelle, au risque de compromettre ses racines populaires.

Le Point Fort a été inauguré le 8 décembre 2021. Mais l’association utilisait déjà le site à l’été 2021 pour y organiser des concerts. Clément Schott

La lourde porte de bois se referme doucement. Coupé du monde. Voilà la sensation que procure l’enceinte du fort d’Aubervilliers. En suivant le passage qui serpente jusqu’au cœur du fort, le bruit de la circulation s’atténue. A gauche, les herbes folles envahissent le paysage. A droite, de longues grilles couvertes d’une banderole de chantier délimitent le sentier. Derrière, des immeubles en construction ferment l’horizon, comme une nouvelle muraille autour de l’ancien ouvrage militaire. Progressivement, le bruit de la ville laisse place à celui des marteaux piqueurs, des ouvriers sur les échafaudages et du bip-bip caractéristique des engins de chantier qui progressent à reculons.  

Puis apparaît une grande halle, entourée de petits mobile home, au beau milieu d’un terrain vague. Juste sous le pignon de la structure, un logo circulaire reprenant la forme caractéristique de l’ouvrage militaire indique « Le Point Fort ». Inauguré en 2021, en présence de la mairie d’Aubervilliers et de Grand Paris aménagement (GPA), le propriétaire du terrain, ce lieu est devenu le bastion de Villes des Musiques du Monde (VMM).  Née en 1997 d’une fête regroupant tous les genres musicaux représentés à Aubervilliers, l’association s’est transformée en un festival itinérant dans plus de vingt villes d’Île-de-France, avant de s’installer au Point Fort. Aujourd’hui, le collectif organise de nombreux événements festifs sur le site et dans les villes partenaires. Principalement des concerts, ces événements prennent racine dans la richesse culturelle des populations vivant à Aubervilliers et dans le Grand Paris. La programmation de VMM s’étend du rap et de l’électro, prisés des jeunes publics, à de la musique haïtienne, de la danse camerounaise, italienne ou même sibérienne.

Un quartier transformé aux portes du Point Fort

A première vue, les installations du Point Fort ne semblent pas prévues pour durer. Derrière la halle, les bureaux de l’association sont des constructions mobiles, tout comme le grand et le petit chapiteaux. « On a opté pour cette solution au cas où on aurait à quitter les lieux », éclaire Alice Pillement, chargée de développement des publics et de la billetterie pour VMM. L’association bénéficie d’une convention d’occupation temporaire de cinq ans, octroyée en 2019 par GPA. Mais « tout porte à croire que la convention sera renouvelée, car nous sommes en discussion permanente avec GPA et il n’y a aucune raison qu’on quitte les lieux. Nous nous sommes installés ici à leur demande et nous servons de caution culturelle à leur projet d’écoquartier », explique la jeune femme depuis son bureau.  

Or, ce projet d’écoquartier divise les populations des alentours. Porté par GPA et Plaine Commune, un établissement public territorial d’urbanisme du Grand Paris, le chantier a débuté en 2019. Il se divise en deux phases. La première, le quartier Jean Jaurès, est censée offrir 920 logements, une crèche et une école maternelle. Dans la seconde, le fort se verra transformé par la réhabilitation des tours dites de la gendarmerie, dans sa partie sud, ainsi que par la construction de 920 logements en plein cœur du site qui entoureront de près le Point Fort. Le lieu servira alors de « vitrine culturelle au quartier », comme le reconnaît Alice Pillement.  

Le projet d’écoquartier du fort d’Aubervilliers, selon le rapport de l’Autorité environnementale du 26 septembre 2024. Les bâtiments prévus dans la construction apparaissent en blanc

C’est précisément cette démarche de GPA, se reposant sur le Point Fort pour faire miroiter un écoquartier branché et festif, que plusieurs voix critiquent. Le 25 juin 2021, sur Facebook, le collectif de défense des Jardins ouvriers d’Aubervilliers dénonçait le « saccage » du terrain qui « vise surtout à faire venir des gentes plus riches qui vivront à l’écart du reste de la ville, à remplir les poches des promoteurs et de l’État et à satisfaire des élu.e.s qui se réjouissent de repousser les pauvres toujours plus loin ». Bordant la partie nord-est du fort, les jardins ouvriers ont été amputés d’une partie de leur superficie par la construction de la piscine olympique Camille Muffat pour Paris 2024 et sont encore menacés par les travaux de la future ligne 15 du métro. Contacté à ce sujet, le collectif n’a pas souhaité répondre, s’estimant « fatigué de cette lutte qui n’est pas encore achevée ». 

Conserver les liens historiques avec les quartiers populaires

L’association Villes de Musiques du Monde entend les critiques. « Nous n’avons pas vocation à valoriser du foncier mais à faire en sorte que les aménageurs tiennent compte de l’histoire des habitants », déclarait en 2022 Kamel Dafri, directeur du collectif, dans une interview accordée au Chiffon, un magazine local et indépendant. D’après Alice Pillement, cette histoire s’est construite au plus près des habitants de la Maladrerie, un quartier d’Aubervilliers défavorisé mais réputé pour son architecture atypique. « Historiquement, c’est un quartier qui a toujours été la cible de nos événements. On en organise là-bas et l’idée est aussi de faire venir les gens directement au Point Fort, notamment grâce à une parade. Tout l’enjeu est de conserver ce lien important », précise-t-elle.

Pour ne pas perdre de vue ses racines populaires VMM se projette au-delà du chantier. Le collectif prévoit d’installer un centre social dans le cœur de fort, qui sera géré par une structure indépendante. Au-delà d’accentuer sa mission de service public, l’association espère aussi « continuer de faire venir toutes sortes de populations au Point Fort », caressant même l’idée de créer « un campus des cultures populaires » au milieu de l’écoquartier flambant neuf.

Clément Schott