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Stéphane Gatti, à la croisée de l’art et de l’engagement – Grand Paris Popu

Stéphane Gatti, à la croisée de l’art et de l’engagement

Entre la préservation des œuvres de son père Armand Gatti et ses propres initiatives sociales et artistiques, Stéphane Gatti maintient l’esprit militant et créatif de La Parole Errante.

Stéphane Gatti, à La Parole Errante de Montreuil, le 16 décembre 2024. Crédit photo : Alara Nur Koknar

Sur le portail de La Parole Errante, un graffiti : « Zone Antifa ». Ce lieu auto-organisé d’expérimentation artistique et sociale est bien plus qu’un espace engagé. Né en 1997, grâce à une décision du conseil général de Seine-Saint-Denis, il était la demeure d’Armand Gatti, journaliste récompensé du prix Albert Londres, poète, dramaturge et résistant anarchiste. La Maison Armand Gatti héberge aujourd’hui des archives de ses travaux, et à côté, une salle de 800 mètres carrés accueille des événements culturels et politiques. Aujourd’hui, Stéphane Gatti, son fils, cherche à préserver l’héritage de son père tout en y apportant sa propre contribution.

Des racines dans l’engagement politique et intellectuel

Stéphane Gatti n’habite pas loin de La Parole Errante, près de Croix de Chavaux. « Si on est raciste, on ne peut pas habiter à Montreuil, c’est un lieu protégé », lance-t-il. Mais Stéphane n’a pas passé toute sa vie ici, il n’a déménagé qu’en 2007. Son enfance s’est déroulée au cœur de Paris. Ses parents se sont séparés quand il avait 12 ans : son père Armand a partagé sa vie avec l’actrice Hélène Châtelain, tandis que sa mère Danièle a refait sa vie avec le peintre abstrait Bernard Saby. Pendant son enfance, il est passé par plusieurs écoles catholiques prestigieuses, comme les Francs-Bourgeois et Stanislas.

Adolescent, il est galvanisé par les événements de mai 68 et les pensées de Mao. Il étudie la philosophie à Vincennes auprès de figures emblématiques telles que Michel Foucault, Gilles Deleuze et Félix Guattari. Sa motivation politique à comprendre les luttes ouvrières le mène à travailler trois ans dans une usine métallurgique de Rouen. Il tente alors de mobiliser ses camarades, « immigrés ou anciens agriculteurs », mais en vain. Il finit par quitter son poste, sanctionné pour avoir distribué des journaux militants dont il était l’auteur. Autour de cette période, Stéphane se réconcilie avec son père qui vivait alors à Berlin pour échapper à la censure de ses travaux en France. Il finit par le rejoindre en Allemagne et travaille à ses côtés jusqu’à la fin de sa vie. Il réalise des scénographies, vidéos et affiches pour accompagner les pièces de son père et organise des expositions autour de ses travaux. Mais il veille à ne pas éclipser son père : « Je faisais attention à ne pas lui marcher sur les pieds », confie-t-il.

Un ancrage profond à Montreuil

Depuis le décès d’Armand Gatti en 2017, Stéphane dédie une partie de sa vie à La Parole Errante. Depuis plus d’un an, il organise des événements pour fêter le centenaire de la naissance de son père. Parmi eux, «Le Grand Déballage», une exposition présentant les travaux des élèves des classes-relais du collège et lycée Jean Jaurès à Montreuil. Ces classes regroupent des élèves en décrochage scolaire et des primo-arrivants ou mineurs isolés étrangers. «Déjà, l’idée de mettre ces deux groupes ensemble est absurde, estime-t-il. Les primo-arrivants ne manquent pas de sérieux, et les décrocheurs ne sont pas des cancres. C’est juste qu’ils ne supportent plus les institutions.» Lorsqu’un enseignant lui demande d’accueillir ces jeunes à La Parole Errante pour éviter la stigmatisation qu’ils subissent à l’école, il accepte. Pendant huit ans, il anime des ateliers de sérigraphie avec eux, leur permettant de s’exprimer grâce à l’art. Leurs travaux, reflet de leurs espoirs et frustrations, étaient exposés jusqu’au 17 décembre.

Pendant de nombreuses années, il mène des ateliers de sérigraphie à la prison de Villepinte, en Seine-Saint-Denis. À partir de ce cette expérience, marquée par ses échanges avec les prisonniers manouches principalement originaires de Montreuil et Romainville, il conçoit un livre intitulé Terre, Territoire. Sur la couverture, un dessin d’un hérisson portant un baluchon. « Le symbole des manouches de Montreuil », explique Stéphane Gatti. Le livre inclut leurs œuvres artistiques, des interviews et même un lexique comprenant du vocabulaire manouche et des traductions françaises. En parcourant le livre, il se souvient d’un manouche appelé Harry, incarcéré après un viol collectif. Après la prison puis un passage en hôpital psychiatrique, Harry a effectué à ses côtés un stage de réinsertion de six mois dans son atelier.

Aujourd’hui, La Parole Errante est une extension des valeurs portées par Armand Gatti. À travers ses projets, Stéphane s’est également imposé comme une figure clé de la vie culturelle locale, montrant que l’art, au-delà de tout, peut guérir les esprits et éveiller des consciences.

Alara Nur Koknar