Wilfried Serisier vient de passer la main de la présidence de l’Association des Parents d’Élèves d’Aubervilliers qu’il occupait depuis dix ans. Une structure dans laquelle il s’investit depuis vingt ans. Devant les urgences que connaît son territoire, il compte bien poursuivre son engagement.
Wilfried Serisier parvient rarement à finir une phrase sans être coupé par la réception d’un message. « Avec le collectif des parents d’élèves, on est en train d’organiser une réunion sur la situation des cantines à Aubervilliers », explique-t-il. Le problème ? Un système de réservation en ligne des repas scolaires mis en place par la mairie qui met à l’écart les familles qui ne possèdent pas les outils numériques nécessaires. « Il y a tellement à faire, alors je garde un peu ma casquette de président », ajoute-t-il.
Après vingt ans comme adhérent à l’Association l’Association des Parents d’Élèves (APE) d’Aubervilliers dont dix ans en tant que président, le quinquagénaire vient de quitter son poste le 7 décembre. « De toute façon, je fais toujours partie de l’association », nuance-t-il. Wilfried Serisier reste adhérent de la FCPE du 93, la Fédération des Conseils de Parents d’Élèves du département, qui œuvre au côté de l’APE. « Ces assos font partie de moi, elles sont dans mon cœur, dit-il d’une voix teintée d’émotion. Et puis, comme on dit au bureau, FCPE un jour, FCPE toujours ! »
« Grand ami de l’école publique », Wilfried Serisier se reconnaît dans les valeurs de l’association. « L’APE et la FCPE défendent une école laïque, publique et gratuite, détaille-t-il. C’est pour ça que je me bats avec eux. » Mais son engagement va plus loin. « C’est un domaine d’intérêt général, précise-t-il. On forme les adultes de demain, c’est l’avenir de nos sociétés qui se joue. »
L’ouverture d’un huitième collège
Le père de famille intègre l’APE d’Aubervilliers lorsque son fils unique, Mathys, entre en maternelle en 2005. La même année, il est élu et siège dans le conseil consultatif de l’Éducation Nationale. « Au début, je me suis engagé pour Mathys. C’était une façon de m’investir en tant que parent. Mais au delà de sa scolarité, j’ai pris conscience de tous les enjeux du système éducatif au niveau de la ville », affirme-t-il. Trésorier, secrétaire général adjoint puis vice-président, Wilfried Serisier a ensuite occupé plusieurs postes au sein de l’association. Il en deviendra le président en 2014. « Ça a été une réelle consécration, se souvient-il. L’école publique, c’est vraiment mon engagement phare. »
Avec émotion et une pointe de nostalgie, il raconte ses plus belles réussites lors de ses années de présidence de l’association. Parmi elles, le chantier de l’ouverture du huitième collège d’Aubervilliers en 2019, le collège Miriam Makeba. « On a vraiment poussé l’Éducation nationale sur ce coup-là, assure-t-il. On avait fait plein d’actions pour mettre la lumière sur ce problème. On avait même créé une maquette d’un collège en carton et on avait invité le maire à son inauguration factice. C’était dingue. » Avec fierté, Wilfried Serisier explique aussi avoir aidé à la création de sections d’apprentissage de langue arabe dans les collèges d’Aubervilliers. « Ça existait partout ailleurs dans le département mais pas chez nous, précise-t-il. Les familles étaient vraiment ravies. »
Un enfant du public
Depuis son enfance, Wilfried Serisier est biberonné à l’école publique. Né à Aubervilliers dans les années 70, il a réalisé toute sa scolarité dans la ville voisine, à La Courneuve : école primaire Charlie Chaplin, collège Jean Vilar et lycée Jacques Brel. Après le baccalauréat, il poursuit un double cursus de philosophie et de sociologie dans une université parisienne. « J’ai eu une chance incroyable d’avoir pu recevoir un enseignement gratuit et de qualité. C’est ça que je veux perpétuer », poursuit-il. Il souhaite d’ailleurs transmettre cet engagement à son fils. « Il a 22 ans et il n’est pas encore très intéressé par ses questions, regrette-t-il. Mais il m’a quand même promis qu’il mettrait ses enfants dans le public. Et je me battrai pour ça. »
Dans sa vie professionnelle, pas question non plus pour Wilfried Serisier de travailler pour le privé. Depuis quatorze ans, le fonctionnaire est responsable du service emploi formation au sein de l’établissement public territorial de Seine-Saint-Denis Plaine Commune.
« Il reste encore tellement à faire »
Mais Wilfried Serisier reste évasif sur son travail. « J’aime ce que je fais, mais ce n’est pas ma vie, assure-t-il. Ma vie, c’est deux choses : mon fils et l’APE. » Son engagement associatif rythme ses semaines. Il y passe un nombre d’heures « incalculable », appuie-t-il. Presque tous les soirs, chaque samedi et parfois les dimanches. Le père célibataire avoue manquer de temps au quotidien. « Je prends le temps qui me reste pour passer du temps avec mon fils. Je n’ai pas le temps de sortir ni de faire du sport », précise-t-il.
Si une grande partie de sa vie tourne autour de l’APE, c’est parce qu’« il reste encore tellement à faire », affirme-t-il. Parmi eux, les problèmes qu’il dénonce, « le trop grand nombre d’absences non remplacées ». Un sujet récurrent dans le département. « En Seine-Saint-Denis, les élèves perdent l’équivalent d’un an de scolarité par rapport aux autres élèves de France », assure-t-il. En partenariat avec la FCPE 93, l’APE du département a lancé le « Plan d’urgence 93 » afin de coordonner syndicats et parents d’élèves et d’ainsi alerter l’Éducation nationale. L’association œuvre également pour la réhabilitation du bâti scolaire, « dans un état lamentable », selon Wilfried Serisier. « Dans certains établissements, il y a des fuites d’eau presque tous les jours, pas de chauffage et des moisissures, déplore-t-il. Mais bon, sur ce genre de sujets, on ne nous entend pas beaucoup. »
Mais une page se tourne. Et ce n’est pas chose simple pour Wilfried Serisier. Quitter son rôle de président, c’est avant tout accepter de lâcher prise sur quelques-unes des urgences de l’école publique d’Aubervilliers. « Même si je vais continuer à m’impliquer, il faut que je me mette en retrait et que je trouve autre chose pour m’occuper. Je pensais donner des cours particuliers gratuitement par exemple », conclut-il.
Ambre Déprés