À 28 ans, Zineb Behouh a ouvert son propre cabinet de sage-femme dans sa ville natale. Début décembre, elle a été mise à l’honneur lors de la cérémonie des jeunes talents nanterriens. Un prix qui symbolise son engagement à rendre les soins accessibles à toutes les femmes.
« C’est quoi mon talent ? » Zineb se demande toujours si elle mérite le prix qu’elle a reçu lors de la cérémonie des jeunes talents, mardi 10 décembre. Chaque année, cette soirée met à l’honneur des Nanterriens qui se sont illustrés dans les domaines sportif, musical, associatif et professionnel. Lors de cette édition, la sage-femme faisait partie des lauréats. « Je crois que beaucoup de jeunes peuvent s’identifier à mon parcours », affirme-t-elle. Et pour cause : Zineb a tout d’un modèle inspirant. À seulement 28 ans, elle a ouvert son propre cabinet à Nanterre, sa ville natale.
Pour elle, c’était comme une évidence, un retour aux racines. « C’est ma façon de rendre à ma ville ce qu’elle m’a donné ». C’est là qu’elle a grandi, dans une ville où les origines sociales se mêlent. C’est là qu’elle a forgé ses convictions, consciente des défis auxquels sont confrontées les personnes issues de milieu modeste.
Des valeurs familiales
Elle se souvient de ses années à la fac, où elle était l’une des rares filles d’immigrés dans sa promotion et l’une des seules à porter le voile. « Je n’avais pas forcément le profil pour réussir la fac de médecine, mais avec de la détermination, tout devient possible », lance-t-elle. Cette détermination, elle la puise dans l’exemple de sa mère, un soutien indéfectible. Arrivée en France avant sa naissance, cette Algérienne s’est battue pour devenir sage-femme. En l’absence de nationalité française, elle s’est vue contrainte d’abandonner sa vocation mais a encouragé sa fille. « Ça m’a donné encore plus de force pour continuer, car elle a vu en moi l’opportunité de réaliser son rêve », confie Zineb, émue par ce lien fort avec sa mère dont elle partage toujours le toit.
En parallèle de ses études, Zineb s’engage dans l’association Eloquentia Nanterre. Elle y apprend à défendre ses valeurs à voix haute. Un atout précieux qu’elle a utilisé dans son parcours à l’hôpital, où elle a travaillé pendant trois ans. “En tant que jeune, on a l’impression d’être en bas de la chaîne. On se fait un peu maltraiter, alors il faut savoir s’imposer”, estime-t-elle. Aujourd’hui, Zineb continue de cultiver ces compétences au sein de son cabinet. Car se lancer dans l’aventure libérale à cet âge, ce n’est pas anodin. Comptabilité, secrétariat, aspects juridiques… Son rôle ne se limite pas aux compétences médicales.
Soigner toutes les femmes
Pour Zineb, être sage-femme à Nanterre, c’est aussi répondre à des besoins variés dans une ville marquée par sa diversité sociale. « Chaque femme, peu importe son origine ou sa situation sociale, mérite d’être soignée, écoutée et respectée ». Ainsi, Zineb se retrouve régulièrement confrontée à des inégalités liées aux soins de santé. Certaines viennent de milieux défavorisés et bénéficient de l’Aide médicale de l’État (AME), tandis que d’autres, financièrement plus à l’aise, sont prêtes à payer des dépassements d’honoraires, ce qu’elle refuse de pratiquer.
Parmi ses patientes, Zineb a récemment accueilli une femme d’origine soudanaise venue pour une rééducation du périnée. Celle-ci a exprimé le souhait de s’exprimer en arabe, langue que Zineb ne maîtrise pas. « La communication est primordiale pour éviter tout malentendu et offrir des soins de qualité. Là, je ne savais pas quoi faire », se désole-t-elle. À contre-cœur, Zineb a dirigé cette patiente vers l’hôpital de Nanterre, où les délais d’accès aux soins sont systématiquement allongés. Une situation emblématique de la ville, où plus de 20% de la population est issue de l’immigration, qui met en lumière l’errance médicale dont souffrent nombre de patients.
La santé mentale au centre
Pour Zineb, ces défis sont d’autant plus difficiles à vivre que sa méthode repose sur une écoute attentive et un respect profond de ses patientes. Ses collègues la jugent même trop accessible et chaleureuse. « On me dit souvent que je risque de me laisser submerger, explique-t-elle, mais je m’efforce toujours de garder une distance ».
Zineb place également la santé mentale au cœur de sa pratique, considérant qu’il s’agit d’un accompagnement global. Ainsi, elle envisage une collaboration avec des psychologues pour mieux soutenir ses patientes. Pour elle, il est essentiel de préparer non seulement à l’accouchement, mais aussi à la fragilité psychologique liée à la grossesse et au post-partum. Des situations douloureuses qui la dissuadent de devenir maman à son tour.