L’Aldi est le seul supermarché du quartier défavorisé de La Noue. Mais face aux graves problèmes d’hygiène, ses 8 720 habitants préfèrent faire plusieurs dizaines de minutes en transport en commun pour trouver des produits de meilleure qualité.
Ce samedi 14 décembre, au rayon « apéritif » du Aldi de la place du Général de Gaulle de Montreuil, pas de clients, ni même de vendeurs, mais deux pigeons. L’un des oiseaux se rue sur un paquet de curly et le perfore avec son bec, avant de l’entamer. À l’entrée du magasin, un client l’aperçoit et interpelle un vendeur. « C’est à cause de ça que le magasin a fermé la dernière fois », lâche-t-il agacé. Le vendeur, un peu confus, se contente de lui répondre « oui », sobrement.
Le magasin a fermé par décision de la préfecture du 8 au 15 novembre. La sous-préfecture à l’égalité des chances de Seine-Saint-Denis a ordonné sa fermeture pour raison d’hygiène et conditionné sa réouverture à la réalisation de travaux. Dans un communiqué publié à la même période, l’Union locale CGT de Montreuil évoque de son côté la « multiplication des rongeurs », le «délabrement des locaux » ou encore les sous-effectifs.
Depuis, le magasin a rouvert, des travaux ayant été effectués, mais le doute persiste dans la tête des clients. Postée devant la vitrine réfrigérée, caddie en main, une dame regarde de manière hésitante les pièces de viande entreposées. « Je viens acheter des poivrons car ils sont moins chers qu’au marché. Par contre, il y a des produits en lesquels je n’ai pas confiance, comme la viande. Je ne sais pas si [les employés d’Aldi] respectent la chaîne du froid», chuchote Laure, 63 ans, agente dans les écoles maternelles. Ces craintes sont avérées. Un bourguignon de bœuf à mijoter présent en vitrine est périmé depuis 24 heures. Contactée par Grand Paris Popu, la direction de l’enseigne n’a pas donné suite à notre demande d’interview.
D’autres clients préfèrent relativiser. Une femme munie d’un imperméable et lunettes sur le nez met dans son caddie deux calendriers de l’avent. « C’est pour mes petits enfants. Ils viennent me rendre visite la semaine prochaine. Oui, j’ai vu les pigeons autour des chips mais vous savez, je viens de rentrer du Liban à cause de la guerre [elle y travaillait pour le ministère des Finances, ndlr], j’ai vu pire», raconte Mireille, 66 ans, fonctionnaire, non sans une touche d’ironie.
L’Aldi est le seul supermarché à proximité
Dans les rayons du supermarché, aucun client n’a de chariot rempli et la plupart se contentent du strict minimum. Un homme, casquette sur la tête, saisit une boîte d’œufs. « Quand je veux faire mes courses, je vais à Auchan. Je viens ici faire des petites courses », glisse Ali, 29 ans, agent de nettoyage. Mais le magasin dont il parle se situe à Bagnolet, à plus de 20 minutes de bus.
Un problème pour les habitants qui sont obligés de faire les courses hors de leur quartier, dans des supermarchés très fréquentés. «Les gens se plaignent qu’il n’y ait que l’Aldi dans le quartier, confirme Samuel Abichou, coordinateur socio-éducatif et animation de rue au centre social le 100 Hoche, situé à La Noue. Quand il a fermé temporairement, il ne restait plus que l’alimentation du quartier. Les habitants aimeraient avoir davantage de choix pour faire leurs courses sans avoir à se déplacer. » Une situation qui illustre le manque de considération auquel est soumis le quartier.
Thomas Douhairet