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Des femmes sans abri accueillies dans un gymnase municipal de Montreuil – Grand Paris Popu

Des femmes sans abri accueillies dans un gymnase municipal de Montreuil

Le gymnase d’Estienne-d’Orves a ouvert ses portes à 25 femmes isolées, pour la 14ème année consécutive. Pendant six semaines, elles pourront bénéficier de repas, de lits et de soins de la part de la ville.

Il fait encore noir dans les rues de Montreuil quand les femmes se réveillent de leur première nuit passée dans le gymnase d’Estienne-d’Orves. À 8h30, une dizaine d’entre elles sont encore assises sur leur lit, en attendant l’heure fatidique des 10 heures qui les obligeront à sortir pour rejoindre le froid et la rue, leur domicile quotidien. Le gymnase est le seul du département de la Seine-Saint-Denis à accueillir des sans-abris la nuit, pour un mois sans interruption, sans prendre en compte les changements de température durant la période.

D’autres femmes profitent de leur petit-déjeuner. Elles racontent le dîner de la veille, enthousiastes. «C’était des pâtes au poulet, c’était très bon», s’exclame l’une d’entre elles. «Et halal !», ajoute une autre. Un toit, un repas chaud, une douche, c’est tout ce que ces femmes isolées recherchent.

Une parenthèse enchantée

Les locataires nocturnes ont des histoires très différentes mais elles partagent un point commun, ce sont des femmes. Depuis trois ans, le gymnase de Montreuil n’accueille plus que la gent féminine. «Elles se sentent plus rassurées entre femmes et les hommes sont compliqués à gérer», indique la directrice d’Emmaüs Alternatives, Marie-Hélène Le Nidic.

La majorité de ces femmes sont des immigrées sans papier, souvent non francophones. Le gymnase leur offre un espace pour tisser du lien social. Trois femmes assises côte à côte au fond de la salle parlent en bambara, une langue malienne. Elles rient et partagent des vidéos. «On vient de se rencontrer, explique Aminata, arrivée en France il y a un an. Ca fait du bien de tomber sur des femmes comme moi. Dans la gare, je ne peux parler à personne». 

La veille, ces femmes n’avaient pas encore d’endroit où passer la nuit. Cages d’escaliers, mosquées ou encore halls d’entrée, elles sont unanimes : elles ne se sentent pas en sécurité. «Je ne dors pas la nuit quand je suis dans la gare de Saint-Denis, confie Aminata en serrant son sac contre elle, j’ai peur qu’on vole mes affaires ou qu’on m’agresse. Il y a beaucoup de soûlards.» Le gymnase leur accorde du répit, voire leur sauve la vie. Astou* est isolée par rapport au reste du groupe, pensive. Le numéro d’urgence du 115 l’a orientée vers le gymnase pour échapper aux violences conjugales. «Mon mari a été brutal avec moi. Il est seul avec mon fils à Rosny-Sous-Bois», confie-t-elle à demi-mot.

Le gymnase comme sas vers un hébergement

Le gymnase réagencé ressemblerait presque à une maison. Un canapé avec dix coussins a été installé près d’un mur et un coin cuisine a été aménagé avec trois micro-ondes. Mais les paniers de basket ramènent vite à la réalité. Assise sur son lit, Marie-Madeleine est arrivée parmi les premières hier. «Je suis contente d’être au chaud mais j’aimerais avoir un coin pour poser mon esprit et me sentir à la maison», souffle-t-elle.

Arlette, médiatrice pour Emmaüs Alternatives, est arrivée tôt ce matin pour s’occuper des femmes hébergées. Pour elle, ce gymnase n’est qu’un « sas » vers un logement durable. «Si les femmes ne trouvent pas de logement après la fermeture du gymnase, elles seront dirigées vers un autre gymnase de la ville mais ce n’est pas le but». L’année dernière, après la fermeture du gymnase, aucune des femmes prises en charge ne s’est retrouvée à la rue. Les femmes disposent d’un accompagnement social et médical de la part de Cités Caritas et Emmaüs Alternatives, ainsi que du SIAO (Service intégré d’accueil et d’orientation) qui les orientent vers des centres d’hébergement d’urgence.

Un dispositif avec des limites

Manteaux sur le dos, les femmes se plaignent de la douche froide et du manque de chauffage. «On fait avec, on ne peut pas faire autrement», dit Marie Nouar, une couette sur la tête. Elle est enceinte de six mois et a été envoyée dans le gymnase malgré les réticences des associations. Elle se lève difficilement de sa chaise pour aller se servir un bout de pain. Le lit de camp ne lui a pas laissé un bon souvenir : «Je préfère les lits de l’hôpital André Grégoire, se plaint la future maman. Cette nuit, j’ai dû dormir sur une pile de coussins.» Marie Nouar n’aurait pas dû faire partie des personnes envoyées par le 115. Le gymnase accueille les femmes selon des critères stricts : des femmes sans enfant, non enceintes et qui n’ont pas besoin de faire de grands déplacements.

Karima mène sa soeur, Rim, en fauteuil roulant vers la sortie. Son cas n’est pas non plus recommandé pour passer la nuit dans le gymnase. Rim sort de son sac une ordonnance avec une longue liste de médicaments : «Je dois aller les chercher à l’hôpital de Livry-Gargan, ce n’est pas tout près.» La nuit au gymnase n’a pas été de tout repos pour les deux femmes. «Rim n’a pas pu dormir, elle avait mal au pied toute la nuit. J’ai dû lui faire une piqûre dans le noir car les lumières étaient éteintes à 23 heures.»

25 lits, 25 rangements, pas un de plus. Pourtant, seules 18 personnes ont passé la nuit dans le gymnase. Il n’est accessible que via le numéro d’urgence 115. Des centaines d’entre elles l’appellent tous les jours pendant plusieurs heures et pourtant, certains lits restent vacants. À 10 heures, le gymnase est vide. Certaines femmes se rendent dans les hôpitaux, d’autres au centre d’accueil de jour à quelques mètres. Une poignée d’entre elles resteront dehors, sous la pluie, en attendant que le gymnase rouvre ses portes à 18h.

*Le prénom a été modifié

Louise Carn