Un an après avoir passé la main à Raphael Adam, Patrick Jarry est toujours au conseil municipal, en charge de l’aménagement et de l’urbanisme. Après presque 20 ans à la tête de la mairie de Nanterre, il souhaite continuer à bâtir une ville « mieux populaire » avec plus de mixité sociale.
Patrick Jarry, ancien maire de Nanterre, dans son bureau de l’Hôtel de ville. Crédit : Paul Waller
19 heures. Autour de la mairie de Nanterre, alors qu’il se dirige vers le parvis où a lieu une manifestation pour la Palestine, un homme au béret est salué par tous ceux qui le croisent. Par ce grand froid de décembre, les mains dans son manteau noir, il a tenu à passer voir cette mobilisation. Il faut dire que dans la ville, tout le monde connait Patrick Jarry. Maire de 2004 à octobre 2023, il a grandi dans le Petit-Nanterre, un des quartiers les plus populaires.
S’il a récemment passé le relais à Raphaël Adam, l’ancien maire est toujours au conseil municipal. Sur son bureau au 3ème étage de la mairie, les dossiers ne manquent pas. À la croisée de tous, « (s)on combat » pour la mixité sociale qui a marqué ses différents mandats. « On continue à avoir des villes qui chassent les populations pauvres ou modestes quand d’autres s’enfoncent dans les difficultés. Si on reste dans l’entre-soi, il n’y a pas d’avenir pour la métropole de Paris. Faire métropole, c’est faire solidarité », avance-t-il.
«Construire est un acte rassembleur »
Pour Patrick Jarry, la mère des batailles, c’est le logement. Un combat qu’il mène depuis de très longues années. Lorsqu’il devient maire en 2004, il participe activement à un projet d’aménagement public, Seine-Arche, prévoyant 17 terrasses de logements, dont 40% sociaux. « Des gens relogés le long de ce grand axe reliant la Grande Arche à la Seine n’imaginaient pas qu’ils pourraient un jour habiter dans ces bâtiments, ils pensaient que cela n’était pas pour eux », témoigne-t-il.
Avec l’équipe municipale, il adopte alors une règle : les nouveaux logements construits devront faire l’objet de programmes mixtes, mêlant logements sociaux et accession à la propriété. Une façon de lutter contre la formation de ghettos : plus de 900 logements ont ainsi été achetés par leurs locataires modestes. Vingt ans plus tard, l’ambition reste entière. Une charte du logement a ainsi été signée en février 2023 pour obliger les promoteurs à serrer les coûts des programmes tout en garantissant la qualité des logements. Une initiative dont il se félicite. « On essaye de construire des logements avec la volonté de n’exclure personne dans la population nanterroise. Construire est devenu pour moi un acte rassembleur », souligne-t-il.
Envie de bâtir
Cette préoccupation pour le logement remonte à l’enfance de l’ancien maire, issu d’un milieu ouvrier. En se rendant à l’école primaire chaque matin, il devait longer le bidonville de Nanterre. « Je sais ce que c’est de voir des gens vivre dans des conditions terribles. Une partie de mes copains de classe y vivaient», confie-t-il. Parmi ceux-là, les écrivains Brahim Benaïcha et Mehdi Charef.
Des souvenirs qui ont nourri son envie de bâtir une diversité sociale à travers les différents quartiers de la ville. En tant que maire, il s’y emploie d’abord dans le quartier du Petit-Nanterre puis autour de la gare de Nanterre-Université, il y a dix ans. Patrick Jarry n’a d’ailleurs pas toujours trouvé la tâche aisée, surtout lorsqu’il s’agit de démolir ou rénover. « Il faut que les gens comprennent pourquoi on le fait. On les accompagne dans cette démarche en faisant appel à des artistes, des sociologues, des animateurs », explique-t-il.
Le soir de son élection, Patrick Jarry se souvient être remonté dans son nouveau bureau. « Je me suis regardé dans la glace et je me suis dit ‘‘il faudra que tu sois suffisamment lucide pour partir’’ », confie-t-il. Vingt ans plus tard, il a changé de bureau dans l’Hôtel-de-Ville, mais conservé son envie de bâtir une ville « mieux populaire ».
Paul Waller