Ouvert en 1976 au sein d’un centre socio-culturel, la Lucarne avait fermé ses portes au printemps, malgré son succès. Repris par une autre association, la salle a rouvert le 6 novembre pour le plus grand plaisir des habitants du quartier.
Ce lundi après-midi, quand Paloma, l’animatrice et projectionniste demande aux enfants installés dans la salle s’ils viennent souvent à La Lucarne, toutes les mains sont levées, sans exception. « Moi je viens tous les week-end avec ma maman ! » crie une petite fille. Dans les fauteuils rouges ont pris place 92 élèves de CM1 et leurs enseignants de l’école primaire Savignat, située à deux pas du cinéma. « Quel plaisir de revenir ici avec les élèves ! On n’y croyait plus », souffle une maîtresse, tandis que Paloma présente le film du jour : Le Grand Noël des Animaux. Les lumières s’éteignent et Paloma se dirige vers la petite cabine de projection qu’elle gère seule. Les images animées défilent sur le modeste écran de l’unique salle du cinéma. Les enfants sont captivés.
Une institution en faillite
Depuis sa création dans les années 1970, La Lucarne était gérée par la MJC Mont-Mesly. Placée en liquidation judiciaire, cette association locale responsable de nombreuses activités dans la ville n’était pas parvenue à trouver des solutions et le cinéma a fermé en mai 2024. Pour les habitants du quartier, notamment les scolaires, les familles et les personnes âgées, c’est une partie de leur quotidien qui a disparu. « La Lucarne accueille tous les enfants des écoles d’à côté depuis près de 40 ans et le reste de notre public est majoritairement retraité », explique Orane, qui travaille dans l’autre cinéma indépendant de la ville, le Palais. C’est l’association des Cinémas du Palais-Armand Badéyan qui a sauvé La Lucarne en la reprenant cet été. Une opportunité de s’étendre pour cette association qui propose désormais une programmation complémentaire dans ses deux salles cristoliennes.
« Ramener les jeunes, un défi depuis les années 1990 »
A la Lucarne, la programmation est tournée vers le cinéma d’art et essai ou vers des films pour la jeunesse. « Les centres de loisirs et les écoles profitent des subventions de la ville pour venir avec leurs élèves sans demander de participation aux parents et les personnes âgées bénéficient de tarifs préférentiels », poursuit Orane en montrant sur le programme la grille tarifaire. Plein tarif : 6,50 euros, familles nombreuses : 5,50 euros, moins de 26 ans : 4,50 euros. Des prix bien inférieurs au mastodonte UGC situé quelques dizaines de mètres en amont, dans le centre commercial Créteil Soleil.
Pourtant, La Lucarne est désertée par le jeune public – hors jeunes enfants – qui lui préfère les 18 salles et la programmation plus accessible de l’UGC . Un véritable manque à gagner pour La Lucarne qui tente malgré tout de conquérir ce public. « Ramener les jeunes à la Lucarne, c’est un défi depuis les années 1990 », dit Paloma en citant un vieil article de la ville qui se plaignait déjà de l’absence des jeunes dans ce cinéma il y a plus de 30 ans. « C’est impossible pour une structure comme la nôtre de concurrencer l’UGC, mais on se démarque avec notre programmation originale et des ateliers-débats », poursuit Paloma. Elle prend en exemple le succès d’un film sur la guerre d’Algérie, La Bataille d’Alger, en présence de l’Association des étudiants musulmans de France qui a fait salle comble il y a quelques jours. « La réouverture du cinéma est un succès puisque la fréquentation a retrouvé son niveau d’avant Covid », indique Orane en souriant.
Dans la salle, c’est l’heure du générique de fin pour les élèves de la Savignat. Ils applaudissent tout en s’agitant sur leurs sièges, au grand dam de leurs enseignants. Les retours sont unanimes. « C’était trop bien ! On peut voir un autre film ? C’est quand qu’on revient ? » s’écrient des voix enfantines dans le brouhaha du couloir.
Laura Ferhane