À 25 ans, Youri Etillieux est conseiller municipal de Bobigny, technicien respiratoire et président de l’Observatoire local des conditions de l’habitat indigne. Natif de la cité de l’Abreuvoir, il lutte pour le bien-être de ceux qui l’ont vu grandir.
Youri Etillieux – 17 décembre – Maison de la santé de Bobigny. Crédit : Ilana Ray-Moch
À première vue, il ressemble à n’importe quel jeune de Bobigny (Seine-Saint-Denis). En jogging beige, doudoune grise sans manches et lunettes de soleil, Youri Etillieux arpente la rue de la Ferme avec décontraction. Le conseiller municipal de 25 ans connaît tout le monde et adresse à chacun le bon mot qui fait sourire. «Oh comment tu as grandi ! Tu vas bien ?», s’exclame Youri Etillieux à un ado balbynien.
L’habitat, son premier combat
Président de l’Observatoire local des conditions de l’habitat indigne, élu local et membre du collectif Eau publique, Youri Etillieux a de multiples engagements sur le territoire de Seine-Saint-Denis. Cette détermination naît au pied des tours de l’Abreuvoir. Il a grandi là, tout comme ses parents, dans l’une des plus grandes cités de Bobigny, bâtie en 1954. Ses grands-parents s’y installent après leur départ d’Algérie, alors en guerre. Mais depuis les années 50, les immeubles vert pomme se sont dégradés. Pourtant, le jeune homme et ses parents n’ont jamais déménagé. «Au lycée, j’allais chez mes potes et je voyais des choses horribles : des murs qui menaçaient de s’effondrer, des moisissures partout sur le plafond, même des rats», se souvient l’élu en charge de l’habitat. Vu que «personne ne fait jamais rien pour le quartier», Youri Etillieux prend l’initiative. En 2017, il fonde le collectif Respect et dignité. Le jeune homme se rend chez les résidents pour interpeller le bailleur. Dégâts des eaux, moisissures et punaises de lit. Tant de photos qui finissent sur les réseaux sociaux pour alerter.
La volonté de lutter contre les injustices remonte à son enfance. Il se souvient d’un centre de santé qui devait fermer pendant son année de CM2. Il a fait signer une pétition à tout son établissement et aux propriétaires des Franprix du quartier pour tenter d’empêcher la fermeture. Un combat qui n’a pas abouti, mais qui lui a donné envie de se battre.
Rebelote à 17 ans. Le marché en bas de chez lui est rénové. Les emplacements des commerçants sont dangereux en cas d’incendie. Il organise alors un blocage avec les commerçants le dimanche à 5h du matin, pour retrouver des emplacements viables. Cet acte militant marque le début d’une réflexion politique. Depuis 2020, il est conseiller municipal. Tous les samedis matin, il organise des permanences à la mairie, pour «écouter et régler» les problèmes d’habitat des résidents. Son projet du moment : épauler les habitants de la cité de l’Abreuvoir, qui va bientôt être rénovée. Le chantier devrait débuter en janvier 2025.
Aider les autres
S’il dédie son temps libre à ses activités politiques et associatives, le reste de la journée, Youri Etillieux est technicien d’assistance respiratoire dans le nord-est de l’Île de France. «J’ai la fibre relationnelle», considère-t-il en souriant. Comme avec ses administrés, le jeune homme reste proche de ses patients. Le décès de certains l’affecte : «Le mois dernier, Monsieur F. est mort d’un cancer des poumons. Ça m’a beaucoup ému. Je suis allé à son enterrement avec sa famille», se rappelle-t-il les yeux humides. Son quotidien est rythmé par ses multiples casquettes. Il a peu de temps pour lui. «Mes potes le savent. On peut m’appeler à 3 heures du matin, je réponds toujours». C’est en aidant les autres qu’il se sent utile et vivant. «Depuis tout petit, je m’occupe de mes tantes et oncles. J’ai même habité chez mon oncle Aziz qui avait de graves problèmes de santé», se remémore-t-il.
Youri Etillieux vit au jour le jour. Il ne souhaite pas se projeter dans l’avenir. Le jeune homme avoue à demi-mots rêver être sénateur, mais il ne veut pas ressembler aux autres politiciens. «Je suis un enfant de la République. Je fais de la politique au sens noble du terme, pour les gens et pas pour moi» confie-t-il, le regard vers le ciel. S’il se voit faire de la politique comme activité principale, il veut «rester les pieds sur terre». Le Balbynien souhaite rester à Bobigny toute sa vie. Idéaliste, il se dit même prêt à refuser les indemnités du métier pour continuer à travailler à côté.
Le sourire aux lèvres, Youri s’éclipse vers l’Hôtel de ville. Il rejoint l’initiative de ce dimanche organisée par la Caisse Centrale d’Activités Sociales : offrir un cadeau à chaque enfant dont les parents touchent le RSA.
Ilana Ray-Moch