Autrefois lieu de partage des savoir-faire des artisans locaux, le marché de Noël de Saint-Denis a laissé place à un rendez-vous haut en lumière et plus mercantile.
Il faut le chercher pour le trouver. Au milieu de nombreux stands de produits destinés à la vente, devant le parvis de la Basilique de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), se trouve un artisan pas comme les autres. Amak ne vend pas. Il expose seulement des chaises en bois revêtues de tissus, qu’il a lui-même confectionnées. «Je connais bien la Foire des savoir-faire. J’y ai déjà participé. Avant, tout le monde se connaissait. Maintenant, ce n’est plus le cas», regrette-t-il. Depuis deux ans, le marché de Noël de Saint-Denis n’est plus la Foire des savoir-faire : place à Destination Bel Hiver. Un marché qui n’a pas du tout la même vocation que son prédécesseur.
La Foire des savoir-faire se tenait au même endroit, mais sous un énorme chapiteau. Au chaud et sans la pluie. Elle regroupait plus d’une soixante d’artisans, avec un objectif : «Faire connaître auprès du grand public la diversité des savoir-faire de Plaine Commune [l’intercommunalité à laquelle appartient la ville, ndlr]», raconte Adeline Leveque, ancienne organisatrice du marché. Cet espace était destiné à prendre le temps de discuter avec les différents artisans des neuf villes du nord de Paris. «Ils avaient l’obligation de décrire en détail le processus de fabrication de leurs produits pour permettre aux visiteurs de comprendre les prix», explique-t-elle. Des ateliers étaient également proposés pour initier les visiteurs aux différentes pratiques artisanales : restauration de tableaux ou pyrogravure sur bois, par exemple.
«L’année dernière, ce n’était pas aussi bien»
Un marché bien loin de celui qui illumine le parvis de la Basilique et la place Victor-Hugo, ce lundi de fin d’après-midi de décembre. En 2023, la mairie a décidé de stopper cette foire et de reprendre la main sur l’organisation, en proposant un marché de Noël plus conventionnel, basé sur la vente de produits artisanaux, sans passer par les explications du savoir-faire.
Cette année, elle a mis le paquet. Un petit chemin d’illuminations sous des arbres ornés de boules lumineuses, deux arches pour accueillir les visiteurs, deux patinoires. Des cabanons de commerçants qui se succèdent, essentiellement des bijoux, du textile et de la nourriture. Avec, sur la place centrale, un carrousel. «L’année dernière, ce n’était pas aussi bien», raconte un marchand de crêpes de l’association Les Bretons de Saint-Denis.
La participation n’est plus restreinte aux artisans des villes alentour, mais ouverte à ceux de toute la France. Contactée par téléphone, Emilie Sonck, restauratrice de tableaux habituellement présente à la foire, s’exclame : «Chaque année, je recevais un appel de participation, que je ne reçois plus.» Aujourd’hui, une centaine d’artisans sont présents.
Un nouveau marché qui satisfait artisans et visiteurs
Sur un panneau en bois sur pieds, on peut lire une inscription à la craie blanche : «Prends soin de toi, mange de la spiruline.» Des savons, des pâtes et même de la bière sont soigneusement exposés sous la petite tente blanche de Jean-Marc. Pour lui, ce marché est une «vraie réussite». C’est la deuxième année qu’il y participe. «Je viens de Dordogne. J’ai déjà fait plusieurs marchés de Noël. Par exemple, celui de Limoges, mais il n’était pas aussi joli.» Le Périgourdin se dit «très bien accueilli». Et il le peut. La mairie héberge ce producteur dans une auberge située juste à côté du marché.
Verre de vin chaud à la main et sourire aux lèvres, une jeune femme aux cheveux courts et un monsieur emmitouflé dans un long manteau molletonné ne semblent pas regretter l’ancien marché. «Moi j’aime bien être dehors, ça permet de prendre l’air, c’est moins serré» que sous le chapiteau, s’exclame Magalie. Fernando, son ami, acquiesce, il déplore seulement le manque de convivialité. «Là, tout le monde est seul. Personne ne se parle», note-t-il.
De la Foire des savoir-faire au marché Destination Bel Hiver, Saint-Denis a troqué la transmission des savoirs pour l’éclat de lumières. Une métamorphose qui semble réussie pour les artisans et les visiteurs.
Marine Hamelin